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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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plusieurs années menait une vie de paresse et de luxe, pourra paraître stupéfiant à l’observateur d’aujourd’hui, si l’on s’avise que nous tentions un dernier effort pour mobiliser toutes les ressources du pays. Pourtant Göring n’avait pas toujours été ainsi et la réputation d’homme violent certes, mais aussi énergique et intelligent, qu’il s’était acquise à l’époque où il avait mis sur pied le Plan de quatre ans et la Luftwaffe était encore un atout appréciable. Pour moi il n’était pas impossible que Göring, si la tâche à accomplir l’intéressait, retrouve un peu de son énergie et de sa détermination d’autrefois. Dans le cas contraire, pensions-nous, le Conseil de défense du Reich était de toute façon un instrument qui pouvait prendre des décisions et des mesures radicales.
    Aujourd’hui, avec le recul du temps, je me rends compte que nous n’aurions pratiquement pas changé le cours des événements en brisant le pouvoir de Bormann et de Lammers. Car ce n’est pas en éliminant les secrétaires de Hitler que nous aurions pu changer l’orientation de notre politique, mais uniquement en révisant notre attitude à l’égard de Hitler lui-même. Mais, pour nous, cela était impensable. Au contraire il est probable que, au cas où notre position personnelle, menacée par Bormann, aurait été restaurée, nous aurions été prêts à suivre Hitler dans sa politique fourvoyée dans une impasse d’une manière peut-être encore plus inconditionnelleque ce n’était le cas avec Lammers, trop timoré à notre gré, et Bormann, l’intrigant. L’importance que nous accordions à des différences aussi infimes montre simplement dans quel univers confiné nous nous agitions.
    En entreprenant cette action, c’était la première fois que je sortais du rôle de technocrate où je m’étais cantonné jusqu’alors, pour intervenir dans le domaine politique. J’avais toujours soigneusement évité de franchir ce pas mais, en le faisant, je cédais à une sorte de logique intérieure : il était en effet spécieux de croire que je pouvais me consacrer exclusivement à mon travail de technicien. Dans un régime autoritaire on est inévitablement soumis au jeu des forces et des rivalités politiques, dès qu’on veut se maintenir dans le groupe des dirigeants.
     
    Göring séjournait dans son chalet d’été de l’Obersalzberg. Milch m’apprit qu’il s’y était retiré pour prendre un congé prolongé, mortifié qu’il était d’avoir été sévèrement blâmé par Hitler pour sa piètre activité à la tête de la Luftwaffe. Il accepta sur-le-champ de me recevoir le lendemain, c’est-à-dire le 28 février 1943.
    Notre entrevue dura plusieurs heures et se déroula dans une atmosphère affable et détendue qui s’accordait avec le caractère intime de cette maison de proportions relativement modestes. Certes, je fus assez surpris, et cela est resté étrangement gravé dans ma mémoire, de voir qu’il avait mis du rouge à ongles et qu’il s’était fardé le visage ; quant à l’énorme rubis épinglé sur sa robe de chambre de velours vert, sa vue m’était déjà familière.
    Je rapportai à Göring la discussion que nous avions eue à Berlin et lui fis part de notre proposition : il m’écouta paisiblement, tout en faisant glisser distraitement entre ses doigts des pierres précieuses qu’il sortait de temps à autre de sa poche. Le fait que nous ayons pensé à lui sembla lui faire plaisir. Lui aussi trouvait dangereuse la tournure que prenaient les événements sous l’influence de Bormann, et il approuva nos projets. Mais il en voulait toujours à Goebbels pour l’incident du Horcher ; finalement je lui proposai d’inviter lui-même le ministre de la Propagande pour examiner avec lui notre projet dans les moindres détails.
    Goebbels arriva à Berchtesgaden dès le lendemain, et je commençai par l’informer du résultat de mon entretien avec Göring. Nous fîmes ensemble le chemin jusqu’à la maison de Göring et, tandis que je m’éclipsais, les deux hommes, entre lesquels il y avait eu sans cesse des frictions, eurent une franche explication. Lorsqu’on me demanda de revenir, Göring se frottait les mains de plaisir à l’idée de la lutte qui s’annonçait et il se montra sous son jour le plus attachant. La première chose à faire, selon lui, était d’arrêter la composition du Conseil des ministres pour la défense du Reich.

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