Au Coeur Du Troisième Reich
salle au mobilier rustique située derrière la Chancellerie du Reich, j’entendis par hasard Sepp Dietrich déclarer que Hitler avait l’intention de diffuser un ordre selon lequel il n’y aurait cette fois pas de prisonniers. En effet on avait découvert, au cours de raids menés par des unités SS, que les troupes soviétiques avaient exécuté des prisonniers. Aussitôt Hitler avait spontanément annoncé des représailles sanglantes et massives.
Cette nouvelle me bouleversa ; mais j’étais également inquiet à la pensée du tort que nous nous ferions ainsi à nous-mêmes. Hitler comptait faire des centaines de milliers de prisonniers, et il y avait des mois que noustentions vainement de remédier à une pénurie de main-d’œuvre considérable. C’est pourquoi, dès que l’occasion s’en présenta, j’exposai à Hitler les réserves que cet ordre m’inspirait. Je n’eus guère de difficultés à le faire changer d’avis, il parut plutôt soulagé de pouvoir revenir sur l’accord qu’il avait donné aux SS. Le même jour, c’était le 8 juillet 1943, il demanda à Keitel de rédiger une directive stipulant que tous les prisonniers devraient être affectés à la production d’armements 1 .
En fait cette discussion sur le sort que l’on réserverait aux prisonniers se révéla inutile. L’offensive fut déclenchée le 5 juillet mais, en dépit de l’engagement massif de nos armes les plus modernes, il fut impossible de réaliser l’encerclement du saillant ; la confiance de Hitler n’avait été qu’un leurre. Après deux semaines de combats, il fallut abandonner. Cet échec prouvait que désormais, même à la saison propice, l’initiative des opérations appartenait à l’ennemi soviétique.
Après Stalingrad, la seconde catastrophe que nous eût réservée l’hiver russe, l’état-major général de l’armée avait insisté pour qu’on édifie une position de repli loin derrière le front, sans toutefois obtenir l’assentiment de Hitler. Mais maintenant que notre dernière offensive avait échoué, Hitler était à son tour favorable à l’idée de préparer des positions défensives ; il voulait qu’elles fussent établies à 20 ou 25 kilomètres de la ligne principale de résistance 2 . L’état-major général proposait quant à lui de choisir comme ligne fortifiée la rive ouest du Dniepr, qui, avec ses pentes abruptes, dominait d’une cinquantaine de mètres la plaine située en face. Selon toutes probabilités, on aurait encore disposé d’un temps suffisant pour édifier à cet endroit une ligne de défense, car le front se situait à ce moment à plus de deux cents kilomètres à l’est du Dniepr. Mais Hitler refusa catégoriquement. Lui qui, au temps des campagnes victorieuses, avait toujours affirmé que les soldats allemands étaient les plus valeureux du monde, déclarait maintenant : « Construire des fortifications à l’arrière du front est une chose qui, pour des motifs psychologiques, est impossible. Si les troupes viennent à apprendre qu’il existe peut-être une ligne de fortifications située à une centaine de kilomètres de la zone des combats, personne n’arrivera plus à les faire combattre. A la première occasion elles battront en retraite et reflueront sans opposer de résistance 3 . »
Malgré cette interdiction, l’organisation Todt, sur l’ordre de Manstein et avec l’accord tacite de Zeitzler, entreprit d’aménager, en décembre 1943, une position le long du Bug. Hitler l’apprit par Dorsch, mon adjoint. Cette fois encore, les armées soviétiques se trouvaient à une distance de 150 à 200 kilomètres à l’est de ce fleuve. Et une nouvelle fois Hitler invoqua exactement les mêmes motifs que six mois auparavant pour ordonner, avec une rare intransigeance, de suspendre les travaux immédiatement 4 . Ces fortifications de campagne qu’on voulait construire à l’arrière du front lui paraissaient constituer, comme il le déclara, très irrité, une nouvelle preuve du défaitisme de Manstein et de son groupe d’armées.
L’entêtement de Hitler facilita la tâche des troupes soviétiques, qui talonnèrent nos armées sans jamais leur laisser le temps de souffler. A partir de novembre, le sol était en effet gelé en Russie, et après cette date il ne fallait plus compter creuser des retranchements. Mais on laissa passer ce délai. Les soldats furent alors exposés aux intempéries sans pouvoir
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