Au Coeur Du Troisième Reich
s’abriter ; de plus, la mauvaise qualité de nos équipements d’hiver désavantageait les troupes allemandes par rapport à l’ennemi qui, lui, était bien protégé contre les rigueurs de l’hiver.
Ces réactions n’étaient pas les seuls indices montrant que Hitler refusait d’admettre que le vent avait tourné. Au printemps 1943, il avait réclamé la construction d’un pont routier et ferroviaire de cinq kilomètres de long sur le détroit de Kertch, bien que nous fussions depuis longtemps occupés à construire un téléphérique, qui fut mis en service le 14 juillet et pouvait transporter mille tonnes de fret par jour. Cette capacité de transport correspondait exactement aux besoins de la XVII e armée en approvisionnements défensifs. Mais Hitler n’avait pas renoncé à son plan consistant à percer jusqu’en Iran en passant par le Caucase. Il justifia expressément son ordre par la nécessité de pouvoir utiliser ce pont pour approvisionner la tête de pont du Kouban en hommes et en matériel en vue d’une offensive 5 . Ses généraux, en revanche, avaient abandonné cette idée depuis longtemps. Un jour que j’étais allé inspecter la tête de pont du Kouban, tous les généraux du front me confièrent leur crainte de ne pouvoir tenir nos positions, étant donné la puissance de l’ennemi. Lorsque je fis part à Hitler de leur inquiétude, il me répondit d’un ton méprisant : « Pures échappatoires que tout cela ! Jänicke est comme l’état-major général, il ne croit pas à une nouvelle offensive ! »
Un peu plus tard, durant l’été 1943, le général Jänicke, qui commandait la XVII e armée, se vit dans l’obligation de demander par l’intermédiaire de Zeitzler l’autorisation d’abandonner la tête de pont du Kouban, trop exposée. Son intention était de se replier en Crimée et d’y occuper une position plus favorable, pour se préparer à l’offensive que les Russes déclencheraient à n’en pas douter pendant l’hiver. Hitler exigea au contraire, avec plus d’obstination que jamais, que la construction du pont soit accélérée en vue de l’offensive qu’il projetait. Mais il était déjà évident que ce pont ne pourrait jamais être achevé. Le 4 septembre, les dernières unités allemandes commencèrent à évacuer la tête de pont que Hitler possédait sur le continent asiatique.
De même que nous avions discuté chez Göring de la manière dont nous pouvions résoudre la crise du pouvoir politique, je fus amené à examiner avec Guderian, Zeitzler et Fromm la crise du commandement militaire. Durant l’été 1943, le général Guderian, inspecteur général de l’arme blindée, me demanda de luiménager une entrevue avec Zeitzler, le chef d’état-major général de l’armée, avec lequel il voulait s’expliquer en privé. Entre les deux hommes subsistait un différend provenant de questions de compétences mal définies. Comme j’étais en très bons termes avec les deux généraux, mon rôle d’intermédiaire s’imposait. Mais il s’avéra que Guderian venait à cette réunion avec des intentions qui dépassaient les problèmes personnels. Il voulait convenir avec nous d’une tactique commune, pour faire nommer un nouveau commandant en chef de l’armée de terre. La réunion eut lieu dans ma maison de l’Obersalzberg.
Les divergences qui opposaient Zeitzler et Guderian passèrent rapidement au second plan ; la conversation porta bientôt essentiellement sur la situation créée par le fait que Hitler avait bien pris en charge le commandement suprême de l’armée de terre, mais en fait ne l’exerçait pas. Zeitzler expliqua que les intérêts de l’armée devaient être défendus avec plus d’énergie en face des deux autres armes et de la SS, et que Hitler, en sa qualité de commandant suprême des Forces armées, était au-dessus des différents services armés et devait garder une position impartiale. Guderian ajouta qu’un commandant en chef avait le devoir d’entretenir avec les chefs des armées des contacts personnels étroits, de s’employer à ce que les besoins de ses troupes soient satisfaits et de régler les problèmes d’approvisionnement fondamentaux. Tous deux s’accordaient à penser que Hitler n’avait ni le goût ni le temps de défendre les intérêts particuliers.
Il nommait et révoquait des généraux qu’il ne connaissait même pas. Seul un commandant en chef connaissant bien ses officiers
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