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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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la disposition de l’armement. Immédiatement après avoir pris en main, dans les premiers jours de septembre, l’ensemble de la production allemande, j’invitai le ministre français de la Production à venir à Berlin. Le ministre Bichelonne, professeur à la Sorbonne, avait la réputation d’être un homme énergique et compétent.
    Non sans avoir eu quelques accrochages avec le ministre des Affaires étrangères, j’avais réussi à obtenir que Bichelonne soit reçu en visite officielle. Pour cela je fus obligé de faire appel à Hitler, à qui je déclarai que Bichelonne « ne passerait pas par l’escalier de service ». Le ministre français fut donc hébergé à Berlin, dans la résidence réservée aux hôtes officiels du gouvernement du Reich. Cinq jours avant l’arrivée de Bichelonne, Hitler me confirma également qu’il approuvait notre intention de planifier la production européenne et que la France aurait alors voix au chapitre au même titre que les autres nations. Hitler et moi nous partions du principe que pour cette planification de la production, la voix prépondérante devait revenir à l’Allemagne 3  .
    Je reçus Bichelonne le 17 septembre 1943 ; rapidement des rapports enrichissants sur le plan personnel s’établirent entre nous. Tous deux nous étions jeunes, nous croyions avoir l’avenir devant nous et nous nous promettions d’éviter dans le futur les erreurs commises par la génération qui était actuellement au pouvoir en cette période de guerre mondiale. J’aurais été prêt également à annuler plus tard le démembrement de la France que projetait Hitler, et cela d’autant plus qu’à mon sens, le tracé des frontières, dans une Europe où la production aurait été harmonisée, n’aurait plus d’importance. Bichelonne et moi nous nous abandonnâmes ces jours-là à nos vues utopiques – ce qui montre combien nous nous complaisions dans un monde d’illusions et de chimères.
    Le dernier jour des négociations, Bichelonne sollicita un entretien privé avec moi. Il commença par m’expliquer que Laval, le chef de son gouvernement, lui avait défendu, à l’instigation de Sauckel, de discuter avec moi la question de la déportation de la main-d’œuvre française en Allemagne 4   ; il me demanda alors si j’acceptais d’aborder tout de même cette question. Sur ma réponse affirmative, Bichelonne me fit part de toutes ses difficultés et je finis par lui demander si une mesure qui aurait pour effet de préserver les entreprises industrielles françaises des déportations le délivrerait de ses tracas. « Si cela est possible, déclara Bichelonne avec soulagement, tous mes problèmes seront résolus, y compris ceux que pose le programme sur lequel nous venons de nous mettre d’accord, mais cela mettrait pratiquement fin au recrutement de la main-d’œuvre française pour l’Allemagne, je suis obligé de vous le dire en toute sincérité. » Je le comprenais parfaitement, mais c’était pour moi le seul moyen d’obtenir que les résultats de la production industrielle française nous soient vraiment profitables. Bichelonne et moi venions de bousculer toutes les règles : Bichelonne avait passé outre à une directive de Laval, quant à moi j’avais désavoué Sauckel ; tous deux nous avions, de notre propre initiative, conclu un accord d’une grande portée  5  .
    Aussitôt après cet entretien privé, nous nous rendîmes à la séance générale : les derniers points litigieux de notre accord furent l’objet de longues discussions de la part des juristes. Elles auraient pu durer encore des heures, mais à quoi bon ? Même des paragraphes bien fignolés ne pouvaient pas remplacer la bonne volonté et le désir de travailler en bonne harmonie. Je décidai donc de couper court à ces arguties ennuyeuses, et proposai à Bichelonne de sceller tous deux notre pacte par une poignée de main. Les juristes des deux parties étaient manifestement stupéfaits. Quoi qu’il en soit, cet accord conclu au mépris des usages, je l’ai respecté jusqu’à la fin en veillant à ce que l’industrie française soit préservée, même lorsqu’elle n’offrit plus pour nous aucun intérêt et que Hitler eut ordonné de la réduire à néant.
    Notre programme de production était pour nos deux pays une source d’avantages : à moi il permettait d’augmenter notre capacité de production d’armements ; quant aux Français, ils surent apprécier la

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