Au Coeur Du Troisième Reich
Gauleiter ; d’ailleurs il s’était avéré, comme il fallait s’y attendre, que mes directives étaient hors de propos, et que l’opposition des Gauleiter était en fait parfaitement justifiée. Himmler avait entériné ce verdict. Mon espoir de renforcer l’autorité du Reich fut déçu, la coalition Speer-Himmler avait fait long feu. Je n’appris que quelques mois plus tard pourquoi toutes mes tentatives dans ce sens étaient vouées à l’échec. Hanke, le Gauleiter de Basse-Silésie, m’expliqua que Himmler avait réellement entrepris de s’attaquer à la toute-puissance des Gauleiter. Il leur avait fait transmettre des ordres par l’intermédiaire des commandants SS des Gaue, ce qui équivalait à un affront. Mais, à sa surprise, Himmler avait été obligé de reconnaître très vite que les Gauleiter recevaient de la direction centrale du parti de Bormann tout le soutien qu’ils désiraient. En effet, au bout de quelques jours, Bormann avait obtenu de Hitler qu’il interdise à Himmler de telles usurpations de pouvoir. Au moment de la décision, le ressort le plus puissant restait toujours cette fidélité qui liait Hitler et les compagnons de son ascension des années 20, fidélité qui s’était maintenue malgré tout le mépris que Hitler éprouvait à l’égard de certains d’entre eux en particulier. Même Himmler et les SS ne furent pas assez puissants pour lézarder cette relation de caractère sentimental, ces rapports de pair à compagnons. Après l’échec de cette entreprise qu’il avait menée avec maladresse, le chef des SS renonça définitivement à faire prévaloir l’autorité du Reich contre les Gaue. Contrairement à la volonté de Himmler, les « commissaires à la défense du Reich » ne furent pas convoqués à des réunions à Berlin. Himmler se contenta par la suite de rallier à son parti les bourgmestres et les fonctionnaires placés à la tête des grandes circonscriptions, qui étaient moins exposés politiquement. Bormann et Himmler, qui d’ailleurs se tutoyaient, redevinrent bons amis. Mon discours n’avait abouti qu’à mettre en lumière les intérêts respectifs, dévoiler le rapport des forces et affaiblir ma position.
Pour la troisième fois en l’espace de quelques mois, j’avais échoué dans ma tentative de donner plus d’efficacité au pouvoir et aux possibilités qu’offrait le régime. Pour éviter d’être enfermé dans une impasse, je résolus de passer à l’offensive. Cinq jours après mon discours, j’obtins de Hitler qu’il me confie les tâches d’urbanisme qu’il y aurait à réaliser dans le futur, dans les villes touchées par les bombardements. J’avais obtenu les pleins pouvoirs dans un domaine qui importait davantage à mes adversaires, et singulièrement àBormann, que bien des problèmes posés par la guerre. Certains considéraient dès maintenant la reconstruction des villes comme la plus importante de leurs futures tâches. Le décret de Hitler venait leur rappeler qu’en cette matière ils dépendraient de moi.
Par ailleurs je voulais en même temps prévenir un danger qui découlait du jusqu’au-boutisme idéologique des Gauleiter. Les destructions survenues dans les villes constituaient pour eux un bon prétexte pour démolir les monuments historiques, même lorsqu’ils étaient encore susceptibles d’être restaurés. Un jour par exemple, après un terrible bombardement sur Essen, je contemplais d’un toit en terrasse les ruines de la ville, en compagnie du Gauleiter de l’endroit ; ce dernier me déclara incidemment que la cathédrale d’Essen serait totalement rasée, puisque de toute façon elle avait été endommagée par les bombardements : elle constituait en effet un obstacle à la modernisation de la ville. Je reçus également un appel à l’aide du bourgmestre de Mannheim : il s’agissait de s’opposer à la démolition du château de Mannheim qui avait brûlé, ainsi que du Théâtre national. J’appris encore qu’à Stuttgart le Gauleiter voulait raser le château qui avait été incendié 11 .
Dans tous les cas que je viens de citer, les raisons alléguées étaient les mêmes : à bas les châteaux et les églises ! Après la guerre nous bâtirons nos propres monuments ! Ce n’était pas seulement le sentiment d’infériorité des grands du parti à l’égard du passé qui se manifestait ainsi ; beaucoup plus caractéristique était l’argument allégué par l’un
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