Au Coeur Du Troisième Reich
l’ensemble de l’armement de la Luftwaffe dans mon ministère 5 ; mais je tenais encore plus à rendre à Göring la monnaie de sa pièce pour son attitude pendant ma maladie. Le 4 juin, je priai Hitler, qui continuait à diriger les opérations de guerre depuis l’Obersalzberg, de « déterminer le maréchal du Reich à me convoquer de sa propre initiative et à faire en sorte que la proposition d’intégrer l’armement de la Luftwaffe dans mon ministère émane de lui ». Hitler accepta ce défi lancé à Göring sans formuler d’objection. Il se montra au contraire compréhensif, ma tactique visant manifestement à ménager la fierté et le prestige de Göring. Non sans rudesse, il ajouta : « L’armement de la Luftwaffe doit être intégré à votre ministère, cela ne souffre plus de discussion. Je vais faire venir le maréchal du Reich sur-le-champ et lui faire part de mon intention. Vous examinerez avec lui les modalités de ce transfert 6 . »
Quelques mois auparavant encore, Hitler aurait hésité à dire ouvertement à son vieux paladin ce qu’il avait sur le cœur. A la fin de l’année précédente, il m’avait, par exemple, chargé d’aller voir Göring dans sa lande de Rominten pour lui présenter je ne sais plus quelle affaire mineure et désagréable que j’ai oubliée depuis longtemps. A l’époque, Göring avait dû être au courant de ma mission car, contrairement à ses habitudes, il m’avait traité comme un invité éminent ; il avait fait atteler pour une randonnée de plusieurs heures dans son terrain de chasse et n’avait cessé de parler, si bien que je n’avais même pas pu aborder le sujet qui m’avait amené et étais reparti comme j’étais venu : Hitler ne m’avait pas tenu rigueur de ma dérobade.
Cette fois, par contre, Göring n’essaya pas de s’en tirer grâce à une cordialité de routine. Notre entretien eut lieu dans son bureau privé de sa maison de l’Obersalzberg. Il était déjà informé, Hitler l’ayant mis au courant. En termes sévères, Göring se plaignit de la versatilité de Hitler. Quinze jours auparavant déjà, il avait voulu me retirer les constructions et était revenu sur sa décision après un bref entretien avec moi. Il en était toujours ainsi. Malheureusement le Führer avait trop souvent montré qu’il n’était pas l’homme des décisions fermes. Naturellement, s’il le voulait, il me remettrait l’armement de la Luftwaffe, déclara Göring d’un ton résigné. Mais il n’arrivait pas à comprendre tout cela, Hitler lui ayant déclaré peu de temps auparavant que le champ de mes attributions était trop étendu.
Il me parut caractéristique et en même temps fort inquiétant pour mon propre avenir qu’on pût si facilement rentrer en grâce ou tomber en disgrâce, mais j’avoue avoir vu un juste retour des choses dans cette inversion des rôles. En revanche, je renonçai à humilier Göring de manière éclatante. Au lieu de présenter un décret à Hitler, je convins avec Göring que ce serait lui qui transférerait à mon ministère la responsabilité de l’armement de la Luftwaffe 7 .
Le transfert de l’armement de la Luftwaffe constitua un intermède insignifiant en comparaison des événements qui se déroulaient en Allemagne et qui découlaient de la supériorité des flottes aériennes ennemies. Bien qu’elles aient dû concentrer une partie de leurs forces pour appuyer l’invasion, une nouvelle série de bombardements, après une interruption de deux semaines, mit hors d’usage un grand nombre d’usines de carburant. Le 22 juin, les neuf dixièmes de la production de carburant pour l’aviation manquaient, et nous ne produisions plus que 632 tonnes par jour. Lorsque les bombardements se ralentirent, nous atteignîmes encore une fois le 17 juillet une production de 2 307 tonnes, en gros 40 % de la production initiale, mais quatre joursplus tard, le 21 juillet, nous étions pratiquement à bout avec 120 tonnes de production journalière. La production de carburant pour l’aviation avait diminué de 98 %.
Certes l’ennemi nous permit de faire tourner partiellement les grandes usines chimiques de Leuna, ce qui nous donna la possibilité d’atteindre à la fin de juillet 609 tonnes. Désormais nous considérions comme un succès d’avoir malgré tout atteint un dixième de la production. Mais les nombreux bombardements avaient endommagé les canalisations des usines chimiques
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