Au Coeur Du Troisième Reich
secrétaires, photographe, ne varia jamais.
Certes, le Führer demeurait le point de convergence politique de ces groupes divergents. Mais après un an d’exercice du pouvoir, on ne voyait à ses déjeuners ou aux projections, ni Himmler, ni Göring, ni Hess assez souvent pour pouvoir parler d’une société du nouveau régime. Et quand ils venaient, leur intérêt se concentrait trop exclusivement sur Hitler et ses faveurs pour que des relations intergroupes puissent se constituer.
Il est certain d’autre part que Hitler ne chercha pas à favoriser l’établissement de bonnes relations entre les personnalités dirigeantes du régime. Et lorsque beaucoup plus tard la situation commença à se dégrader, il vit d’un œil toujours plus soupçonneux les tentatives de rapprochement entre les différents groupes. C’est seulement quand tout fut fini, que pour la première fois se trouvèrent réunis dans un hôtel du Luxembourg, oh ! certes, à leur corps défendant ! les survivants parmi les chefs de ces univers en miniature, de ces mondes refermés sur eux-mêmes.
Pendant ses séjours munichois, Hitler s’occupait fort peu des affaires de l’État ou du parti, encore moins qu’à Berlin ou à l’Obersalzberg. Le plus souvent, il ne lui restait qu’une ou deux heures par jour pour des réunions de travail. Le reste du temps était occupé à vagabonder et à flâner sur les chantiers, dans les ateliers, cafés ou restaurants, ou à tenir de longs monologues à un entourage immuable qui, à force, en connaissait par cœur les sempiternels sujets et s’efforçait de cacher son ennui.
Après deux ou trois jours passés à Munich, Hitler ordonnait généralement de faire les préparatifs pour le voyage à la « montagne ». Dans plusieurs voitures découvertes, nous roulions sur des routes poussiéreuses. A cette époque-là en effet, il n’y avait pas encore l’autoroute de Salzbourg, mais sa construction avait priorité. Nous faisions souvent une pause à Lambach sur le Chiemsee, dans une auberge de village, où nous mangions des gâteaux auxquels Hitler ne pouvait presque jamais résister. Ensuite, les occupants de la deuxième et de la troisième voiture mangeaient à nouveau de la poussière deux heures durant, car nous roulions en colonne serrée. Après Berchtesgaden, nous grimpions une route de montagne abrupte et pleine de trous jusqu’à l’Obersalzberg, où nous attendait le petit chalet confortable de Hitler avec son vaste toit en auvent et ses modestes pièces qui ne comprenaient qu’une salle à manger, une petite salle de séjour et trois chambres à coucher. Avec son mobilier composé de vieux meubles régionaux typiques de la période Vertiko, cet intérieur portait l’empreinte du mauvais goût et du confort petit-bourgeois. Un canari dans une cage dorée, un cactus et un caoutchouc renforçaient encore cette impression. On voyait des croix gammées sur des bibelots ou sur des coussins brodés par des adhérentes. Les croix gammées étaient parfois combinées à des soleils levants, ou à des inscriptions promettant « Fidélité éternelle ». Gêné, Hitler me disait : « Je sais, ces objets ne sont pas beaux. Mais beaucoup sont des cadeaux dont je ne voudrais pas me séparer. »
Il allait dans sa chambre à coucher et en ressortait bientôt, après avoir troqué son veston contre une veste bavaroise, légère, en toile bleu clair, avec laquelle il portait une cravate jaune. Le plus souvent, il commençait aussitôt à parler plans.
Quelques heures après, une petite berline Mercedes s’arrêtait devant la porte : en descendaient les deux secrétaires, M lle Wolf et M lle Schröder, le plus souvent accompagnées d’une jeune Munichoise toute simple et à l’air modeste. Elle était fraîche et gentille plutôt que belle. Rien ne laissait deviner qu’elle était la maîtresse d’un dictateur, car c’était bien d’elle qu’il s’agissait : Eva Braun.
Cette berline ne pouvait jamais se joindre à la colonne officielle, car il ne fallait pas qu’on puisse établir une corrélation avec Hitler. Les deux secrétaires qui accompagnaient Hitler à l’Obersalzberg devaient en même temps servir de camouflage à sa maîtresse. J’étais surpris que Hitler et elle évitassent tout ce qui aurait pu faire croire à des relations intimes, alors que, la soirée finie, ils se dirigeaient tous deux vers les chambres du haut. Je n’ai jamais compris pourquoi on
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