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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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un pré, Hitler dit au domestique d’étendre les couvertures à bonne distance, avant de s’y installer avec le général, offrant un tableau d’apparence paisible et innocente.
    Ou alors nous nous rendions en auto au Königsee et là, en canot automobile, sur la presqu’île Bartholomä ; une autre fois, nous atteignîmes en trois heures de marche le Königsee, en passant par le Scharitzkehl ; nous dûmes, sur la dernière partie du trajet, nous frayer un passage à travers la foule des promeneurs que le beau temps avait attirés là. Ceux-ci, tout d’abord, il est intéressant de le noter, n’avaient pas reconnu Hitler dans son costume bavarois, car personne n’aurait soupçonné sa présence parmi les promeneurs. C’est seulement à quelque distance de l’auberge du « Schiffmeister », but de notre promenade, que se forma un flot d’admirateurs enthousiastes, conscients après coup de l’identité de celui qui les avait croisés. Tout excités, ils se mirent à suivre notre groupe. Nous eûmes la plus grande peine, Hitler en tête et au pas de course, à atteindre la porte de l’auberge, avant que la foule qui grossissait à un rythme rapide nous ait encerclés. Tandis que nous étions attablés devant un café et des gâteaux, la grande place dehors se remplissait de monde. C’est seulement quand le groupe de protection eut reçu du renfort que Hitler put monter dans sa voiture découverte. Debout, près du chauffeur, sur le siège avant relevé, se tenant de la main gauche au pare-brise, il s’offrait à la vue de tout le monde, même de ceux qui étaient très loin. L’enthousiasme devint alors frénétique, la longue attente ayant été récompensée. Deux gardes du corps marchaient devant, trois autres de chaque côté de l’auto qui, au pas, s’efforçait de traverser la foule agglutinée. J’étais assis, comme la plupart du temps, sur le siège d’appoint, juste derrière Hitler, et je n’oublierai jamais ces folles acclamations, le délire qui se lisait sur tous ces visages. Où que ce soit, dès que Hitler apparaissait, dès que sa voiture s’arrêtait, ne fût-ce qu’un instant, de telles scènes serépétaient, du moins dans les premières années de son règne. Elles n’étaient pas dues à son talent d’orateur, à son art de manipuler et de magnétiser les masses, elles étaient uniquement le résultat de sa présence. Tandis que les individus de cette foule ne succombaient le plus souvent que quelques secondes à cette influence, Hitler, lui, y était soumis sans arrêt. Aussi admirais-je, en ce temps-là, qu’il conservât malgré tout tant de liberté dans ses contacts privés.
    Je crois que cela s’explique : en effet, si j’étais fasciné par l’impétuosité des hommages qu’on lui rendait, ce qui me subjuguait encore davantage, c’était de pouvoir, quelques minutes ou quelques heures après, m’entretenir avec l’idole de tout un peuple de plans et d’esquisses, d’être à côté de lui au théâtre, ou de manger des ravioli en sa compagnie à l’Osteria. C’est ce contraste qui m’envoûtait.
    Alors que quelques mois auparavant la seule perspective de concevoir et de réaliser certains édifices me comblait, j’étais maintenant totalement sous le charme de Hitler, enchaîné à lui sans conditions ni réserves, prêt à le suivre n’importe où. Et pourtant, de toute évidence, il voulait simplement m’ouvrir une glorieuse carrière d’architecte. Des dizaines d’années plus tard, je tombai à Spandau sur le passage de Cassirer, où il parle de ceux qui, de leur propre gré, rejettent le plus grand privilège de l’homme, celui d’être un individu souverain  1  . Désormais, j’étais l’un de ces hommes.
    Deux décès marquants survinrent au cours de l’année 1934. L’un intéressait la personne privée de Hitler : son architecte, Troost, mourut en effet le 21 janvier, après quelques semaines d’une grave maladie ; l’autre intéressait le personnage officiel : le président du Reich von Hindenburg s’éteignit le 2 août et sa mort ouvrit au Führer la voie d’un pouvoir absolu et sans limites.
    Le 15 octobre 1933, à Munich, Hitler avait solennellement posé la première pierre de la « Maison de l’art allemand. » Il donna le coup de marteau traditionnel avec un fin marteau d’argent que Troost avait conçu pour cette occasion. Mais le marteau se brisa. Quatre mois plus tard, à la mort de Troost, Hitler nous

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