Au Coeur Du Troisième Reich
lui-même.
L’un des généraux présents essaya de persuader Hitler qu’il était impossible de procéder à l’évacuation de centaines de milliers de personnes, arguant qu’on ne disposait plus d’aucun train et que le trafic était depuis longtemps totalement paralysé. Hitler, demeurant impassible, répondit seulement : « Alors, ils n’auront qu’à aller à pied. » Le général objecta alors que cela n’était pas réalisable non plus, car on ne pouvait assurer ni l’acheminement de ce flot humain à travers des contrées peu peuplées, ni l’approvisionnement de ces hommes et de ces femmes qui ne possédaient même pas les chaussures nécessaires. Il ne put achever. Hitler se détourna comme si de rien n’était.
Keitel présenta le texte qu’il venait d’ébaucher à Hitler, qui l’approuva. « La présence de la population, disait ce texte, dans la zone de combat menacée par l’ennemi est une gêne pour les troupes combattantes comme pour la population elle-même. En conséquence, le Führer ordonne : à l’ouest du Rhin, ou même dans le Palatinat sarrois, la population doit évacuer immédiatement le territoire situé immédiatement derrière la ligne principale de résistance… Repli en direction du sud-est au sud de la ligne Sankt Wendel-Kaiserslautern-Ludwigshafen. Les détails seront réglés par le groupe d’armées G en collaboration avec les Gauleiter. Les Gauleiter recevront la même consigne par le chef de la chancellerie du parti. Le chef de l’O.K.W. Signé : Keitel, Generalfeldmarschall 7 . »
Personne ne souleva d’objections quand Hitler dit pour finir : « Nous ne pouvons pas tenir compte de la population. » Je quittai la pièce en compagnie de l’homme de liaison de Bormann auprès de Hitler, Zander. « Mais ça ne va pas, me dit-il, désespéré. Nous allons à la catastrophe ! Rien n’est prévu. » Sans réfléchir, je déclarai alors que j’abandonnais l’idée de me rendre en avion à Königsberg, pour aller dans l’Ouest la nuit même.
La conférence était terminée, minuit sonné et mon quarantième anniversaire commencé. Je priai Hitler de m’accorder un bref entretien. Il appela son valet de chambre et lui dit : « Allez me chercher la photo que j’ai dédicacée. » Le valet de chambre revint avec un écrin de cuir rouge orné de l’insigne de souveraineté gravé à l’or : comme toujours lorsqu’il offrait son portrait, Hitler y avait mis le cadre d’argent qui contenait sa photo ; il me le donna en me souhaitant très cordialement un bon anniversaire. Tout en le remerciant, je déposai l’écrinsur la table pour pouvoir tirer mon mémoire. « Depuis quelques semaines, me déclara Hitler pendant ce temps, il m’est difficile d’écrire, ne serait-ce que quelques mots. Vous savez comme ma main tremble. Souvent je peux à peine terminer ma signature. Ce que j’ai écrit là pour vous est à peine lisible. » A ces mots, j’ouvris l’écrin pour lire la dédicace. Elle était en effet à peine lisible mais d’une cordialité inhabituelle ; Hitler m’exprimait sa reconnaissance pour mon travail et m’assurait de sa fidèle amitié. Il me fut très pénible de lui remettre alors en retour le mémoire dans lequel j’établissais froidement l’effondrement de son œuvre et l’échec de sa vie.
Hitler le prit sans dire un mot. Pour dissimuler mon embarras, je lui fis part de mon intention de me rendre cette nuit même dans l’Ouest. Puis je pris congé. Alors que j’étais encore occupé à commander par téléphone depuis le bunker ma voiture et mon chauffeur, Hitler me fit rappeler. « J’ai réfléchi, me déclara-t-il, il vaut mieux que vous preniez une de mes voitures et mon chauffeur, Kempka. » Je lui opposai toutes sortes de prétextes. A la fin, il consentit à me laisser prendre ma voiture, mais insista pour que Kempka m’accompagne. Je ne me sentais pas très à l’aise car la chaleur avec laquelle il m’avait remis sa photo et qui m’avait presque tenu sous le charme avait entre-temps disparu. Quand il me congédia, je sentis qu’il était fâché. J’étais déjà presque à la porte quand, pour ne laisser place à aucune réplique, il me dit : « Cette fois-ci, vous aurez une réponse écrite à votre mémoire. » Et, après un bref silence, il ajouta d’un ton glacial : « Si la guerre est perdue, le peuple allemand est perdu lui aussi. Il est inutile de se préoccuper des
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