Au Coeur Du Troisième Reich
industrielle possible. Cela ne se fit point sans résistance et m’entraîna toujours plus loin sur le chemin du mensonge, de la duplicité et de la tromperie. En janvier 1945, Hitler me tendit, pendant une conférence d’état-major, une nouvelle diffusée par la presse étrangère en me disant avec un regard courroucé : « J’avais pourtant donné l’ordre de tout détruire en France ! Comment l’industrie française a-t-elle pu, après quelques mois, retrouver un niveau de production proche de celui d’avant guerre ? – C’est peut-être de la propagande », lui répondis-je calmement. Hitler était toujours prêt à admettre la possibilité de fausses nouvelles diffusées par la propagande ennemie, aussi l’incident fut-il clos.
Au mois de février 1945, je retournai en avion sur les champs de pétrole hongrois, dans le bassin houiller de Haute-Silésie encore en notre possession, en Tchécoslovaquie et à Dantzig. Je réussis partout à convaincre mes collaborateurs locaux à suivre notre ligne et rencontrai chez les généraux une grande compréhension. Au cours de ces voyages, il me fut donné d’observer non loin du lac Balaton, en Hongrie, le déploiement de quelques divisions SS que Hitler voulait engager dans une offensive de grand style. Le plan de cette opération faisait l’objet du secret le plus strict. Le spectacle de ces unités portant sur leurs uniformes des insignes les désignant comme des formations d’élite n’en était que plus grotesque. Plus grotesque encore que ce déploiement au grand jour de forces destinées à une offensive surprise était cependant la prétention de Hitler de renverser, avec quelques divisions blindées, la puissance soviétique nouvellement installée dans les Balkans. Il était en effet d’avis qu’au bout de quelques mois les peuples du sud-est de l’Europe en auraient assez de la domination soviétique. Il se persuadait donc, dans le désespoir de ces semaines-là, que quelques succès initiaux suffiraient à susciter dans les pays balkaniques un soulèvement populaire contre l’Union soviétique et à amener la population à faire cause commune avec nous jusqu’à la victoire finale : c’était tout bonnement délirant.
Une fois à Dantzig, je me rendis au quartier général de Himmler qui assurait alors le commandement du groupe d’armées de la Vistule. Il s’était confortablement installé à Deutsch-Krone dans un train spécial. J’y fus, par hasard, témoin d’une conversation téléphonique au cours de laquelle la seule réponse qu’il sut donner aux arguments avancés par le général Weiss en faveur de l’abandon d’une position perdue fut : « Je vous en ai donné l’ordre. Vous en répondrez sur votre tête. C’est à vous personnellement que je demanderai raison de sa perte éventuelle. » Pourtant, quand le lendemain je rendis visite au général Weiss à Preussisch-Stargard, la position avait été abandonnée pendant la nuit. Les menaces de Himmler n’avaient pas du tout impressionné Weiss, qui me dit : « Je n’envoie pas mes troupes dans des engagements impossibles qui ne peuvent se solder que par de lourdes pertes. Je ne fais que ce qui est possible. » Les menaces stéréotypées de Himmler et de Hitler commençaient à ne plus produire leur effet. Au cours de ce voyage aussi, je fis faire par le photographe du ministère des photos des interminables convois de réfugiés fuyant vers l’ouest dans une panique muette. Cettefois encore, Hitler refusa de regarder ces photos. Plus résigné qu’irrité, il les repoussa loin de lui sur le côté de la grande table de conférences.
Au cours de mon séjour en Haute-Silésie, je fis la connaissance du général Heinrici. Je découvris en lui un homme compréhensif, avec qui je devais, durant les dernières semaines de la guerre, collaborer à nouveau en toute confiance. En cette mi-février, nous décidâmes que les installations ferroviaires nécessaires à la distribution du charbon dans le Sud-Est ne seraient pas détruites. Nous allâmes ensemble inspecter une mine près de Ribnyk. Or, malgré la proximité immédiate du front, les troupes soviétiques laissaient le travail se poursuivre ; même l’adversaire semblait respecter notre politique de sauvegarde du bassin houiller. Les ouvriers polonais s’étaient adaptés à la nouvelle situation ; leur rendement n’avait pas diminué, en compensation, pour ainsi dire, de l’assurance que nous
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