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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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véritable sujet de notre conversation, la sauvegarde de l’industrie de la Ruhr  11  . Fatigué et bouleversé, j’allai dormir dans une ferme. Après quelques heures de sommeil, je sortis me promener à travers champs. Arrivé sur une hauteur, je vis ce paisible village dans la lumière du soleil, à peine voilée d’une légère brume. Mon regard portait loin au-delà des collines du Sauerland. Comment est-il possible, pensai-je, qu’un homme veuille transformer ce pays en désert ? Je m’étendis dans les fougères. Tout semblait irréel. Mais la terre exhalait un parfum épicé et les plantes pointaient hors du sol leurs premières tiges vertes. A mon retour, le soleil se couchait. Ma décision était prise. Il fallait empêcher que cet ordre fût exécuté. Je décommandai les réunions prévues pour la soirée dans la Ruhr ; il valait mieux commencer par aller voir comment se présentait la situation à Berlin.
    Je fis sortir la voiture du fourré et nous prîmes cette nuit même la direction de l’est, malgré l’intense activité aérienne qui nous força à rouler en codes. Pendant que Kempka conduisait, je feuilletai les notes que j’avais prises. Nombre d’entre elles concernaient les entretiens de ces deux derniers jours. Je tournai les pages, n’arrivant pas à me décider. Puis je me mis à les déchirer sans me faire remarquer et jetai les morceaux par la fenêtre. A une halte, mon regard tomba sur le marchepied. Rabattus par le vent pendant que nous roulions, ces bouts de papier compromettants s’étaient amassés dans un coin. A la dérobée, je les envoyai dans le fossé.

30.
    L’ultimatum de Hitler
    La fatigue arrive à créer un état d’indifférence totale. Aussi restai-je parfaitement impassible quand, le 21 mars 1945, dans l’après-midi, je rencontrai Hitler dans la Chancellerie. Parlant uniquement par monosyllabes, il me demanda brièvement comment s’était passé le voyage. Comme il ne mentionnait pas sa « réponse écrite », il me parut inutile de lui en parler. Il fit faire à Kempka, sans m’en demander la permission, un rapport qui dura plus d’une heure.
    Violant tous les principes et toutes les consignes de Hitler, je transmis le soir même un exemplaire de mon mémoire à Guderian. Comme s’il s’était agi d’un explosif, Keitel refusa, d’un air épouvanté, d’en accepter un. Je cherchai en vain à savoir dans quelles circonstances l’ordre de Hitler avait été rédigé. Comme lorsque mon nom avait été découvert sur la liste ministérielle établie par les conjurés du 20 juillet, l’atmosphère qui m’entourait s’était refroidie. Je représentais manifestement pour l’entourage de Hitler un cas de disgrâce définitive. J’avais effectivement perdu toute influence dans mon domaine de compétences le plus important, la sauvegarde de l’industrie placée sous mes ordres.
    Deux décisions que Hitler prit ces jours-là me montrèrent qu’il était maintenant décidé à aller jusqu’au bout. Dans le communiqué de la Wehrmacht du 18 mars 1945, je lus que quatre officiers condamnés à mort pour, à ce que prétendait l’accusation, ne pas avoir fait sauter à temps le pont de Remagen, avaient été exécutés ; or Model lui-même venait de me dire qu’ils étaient parfaitement innocents. La « peur de Remagen », comme on l’appela alors, paralysa plus d’un responsable jusqu’à la fin de la guerre.
    Le même jour, j’appris par ouï-dire que Hitler avait donné l’ordre d’exécuter le général Fromm. Quelques semaines auparavant, le ministre de la Justice Thierack m’avait, pendant un repas, entre deux services, déjà glissé d’un ton parfaitement détaché : « Fromm aussi va perdre sa petite tête. » Tous les efforts que je fis ce soir-là pour faire changer Thierack d’avis demeurèrent vains. Il ne se laissa pas toucher le moins du monde. C’est pourquoi je lui adressai quelques jours plus tard une lettre officielle de cinq pages, dans laquelle je réfutais la plus grande partie des accusations portées, à ma connaissance, contre Fromm et me mettais à la disposition du Tribunal du peuple comme témoin à décharge.
    Il s’agissait là d’une démarche certainement unique de la part d’un ministre du Reich. Trois jours plus tard, le 6 mars 1945, Thierack me répondait sèchement que, pour déposer en tant que témoin devant le Tribunal du peuple, j’avais besoin de l’autorisation de Hitler.

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