Au Coeur Du Troisième Reich
conditions qui sont nécessaires à la survie la plus élémentaire du peuple. Au contraire, il est préférable de détruire même ces choses-là. Car ce peuple s’est révélé le plus faible et l’avenir appartient exclusivement au peuple de l’Est qui s’est montré le plus fort. Ceux qui resteront après ce combat, ce sont les médiocres, car les bons sont tombés 8 . »
Je fus soulagé de me retrouver au volant de ma voiture dans l’air frais de la nuit, avec à mes côtés le chauffeur de Hitler et derrière moi mon officier de liaison à l’état-major général, le lieutenant-colonel von Poser. Nous étions vite convenus, Kempka et moi, de conduire à tour de rôle. Il était déjà une heure et demie du matin et si nous voulions parcourir les 500 kilomètres d’autoroute jusqu’au quartier général du commandant en chef du front Ouest près de Nauheim avant l’apparition des chasseurs volant en rase-mottes, c’est-à-dire avant le jour, il fallait vraiment nous presser. La radio réglée sur l’émetteur qui guidait nos chasseurs de nuit, la carte quadrillée sur nos genoux, nous suivions très exactement le développement des incursions aériennes ennemies : « Chasseurs de nuit dans le carré… plusieurs Mosquitos dans le carré… chasseurs de nuit dans le carré… » Quand une formation se rapprochait de nous, nous roulions lentement sur le bord de la route avec les seuls feux de position. Mais dès que notre carré se libérait, nous allumions les gros phares Zeiss, les deux antibrouillards et même le projecteur de recherche pour filer à toute allure sur l’autoroute dans les hurlements de notre compresseur. Au matin, nous étions encore sur la route, mais le plafond très bas avait stoppé toute activité de la chasse ennemie. Arrivé au quartier général 9 à Nauheim, je commençai par m’allonger pour dormir quelques heures.
Vers midi, j’eus un entretien avec Kesselring, mais sans résultats. Il raisonnait uniquement en soldat et, en tant que tel, n’envisageait pas de discuter les ordres de Hitler. Je fus d’autant plus étonné de trouver un interlocuteur compréhensif en la personne du délégué du parti à son état-major. Tandis que nous faisions les cent pas sur la terrasse du château, il m’assura qu’à l’avenir il ferait son possible pour étouffer les rapports contenant, sur le comportement de la population, des éléments susceptibles de provoquer les réactions intempestives de Hitler.
Kesselring venait, au cours d’un déjeuner très simple pris avec son état-major, de me porter un toast à l’occasion de mon quarantième anniversaire, quand soudain une escadrille de chasseurs ennemis piqua sur le château dans un sifflement strident, arrosant la façade de rafales de mitrailleuses. Tous se jetèrent à plat ventre. Tandis que les sirènes commençaient seulement à donner l’alerte et que les premières bombes explosaient tout près de nous, nous rejoignîmes les abris en avançant en toute hâte à travers des nuages de fumée et de poussière.
Manifestement cette attaque avait pour objectif le centre de décision de la défense occidentale. On entendait les bombes tomber sans arrêt. Notre abri vacillait à chaque explosion mais ne fut pas atteint. L’attaque terminée, nous reprîmes nos entretiens en présence, cette fois, de l’industriel sarrois Hermann Röchling. Au cours de la conversation, Kesselring révéla à cet homme de plus de soixante-dix ans que la Sarre allait être perdue dans les jours qui suivraient. Röchling accueillit avec impassibilité, presque avec indifférence, l’annonce de la perte imminente de son pays natal et de ses usines, déclarant : « Nous avons déjà une fois perdu et regagné la Sarre. Malgré mon âge, il me sera encore donné de la voir nous revenir. »
Notre prochaine étape était Heidelberg où s’était entre-temps replié l’état-major de l’armement pour le sud-est de l’Allemagne. Je voulais profiter de l’occasion pour rendre à mes parents au moins une courte visite le jour de mon anniversaire. Comme, dans la journée, l’autoroute était inutilisable à cause des chasseurs ennemis et que je connaissais depuis ma jeunesse toutes les routes secondaires, nous traversâmes, Röchling et moi, l’Odenwald par un temps printanier, chaud et ensoleillé. Pour la première fois, nous parlâmes à cœur ouvert ; Röchling, qui avait jadis eu pour Hitler de la vénération, ne me
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