Au Coeur Du Troisième Reich
détaillées concernant la destruction totale de l’industrie – qui ne partirent jamais.
Sans y avoir été autorisé par Hitler, je donnai l’ordre, dès ce même jour, de replier les chantiers de l’organisation Todt, pour qu’ils échappent au danger d’encerclement par l’ennemi et fis envoyer dix à douze trains de vivres à proximité immédiate de la Ruhr encerclée. Avec le général Winter, de l’O.K.W., nous mîmes au point un décret qui devait stopper les mesures prévues pour faire sauter les ponts, mais que Keitel annula ; je me mis d’accord avec le Obergruppenführer SS Frank, responsable de tous les entrepôts de vivres et de vêtements de la Wehrmacht, pour qu’on distribue les stocks à la population civile, et Malzacher, mon chargé de mission en Tchécoslovaquie et en Pologne, reçut l’ordre d’empêcher la destruction des ponts dans le territoire de Haute-Silésie 12 .
Le lendemain, je me rendis à Oldenburg pour rencontrer Seyss-Inquart, le commissaire général du Reich pour les Pays-Bas. En chemin, je m’exerçai pour la première fois pendant une halte au tir au pistolet. A ma grande surprise, Seyss-Inquart, après les inévitables préliminaires, avoua avoir pris contact avec l’autre côté. Il voulait éviter les destructions en Hollande et empêcher les inondations prévues par Hitler. Je quittai le Gauleiter de Hamburg, Kaufmann, chez qui je m’étais arrêté au retour d’Oldenbourg, sur le même constat de complet accord.
Dès mon retour, le 3 avril, j’interdis qu’on fît sauter les écluses, les digues, les barrages et les ponts-canaux 13 . Aux télégrammes toujours plus nombreux, toujours plus pressants qui demandaient des ordres particuliers pour la destruction des usines, je faisais répondre qu’il fallait seulement les immobiliser 14 .
En prenant de telles décisions, je pouvais être assuré de certains soutiens. Ainsi, mon représentant politique, le D r Hupfauer, avait conclu une alliance avec les secrétaires d’État les plus importants pour endiguer la politique de Hitler. Il comptait en outre dans son cercle d’amis le représentant de Bormann, Klopfer. Nous avions en quelque sorte coupé l’herbe sous les pieds de Bormann. Ses ordres se perdaient pour ainsi dire dans le vide. En cette dernière période du troisième Reich, Bormann régnait peut-être sur Hitler ; mais à l’extérieur du bunker régnaient d’autres lois. Même le chef du service de sécurité de la SS, Ohlendorf, m’assura en captivité qu’il avait été régulièrement informé de mes initiatives, mais qu’il n’en avait rien transmis.
En fait, j’avais, au mois d’avril 1945, le sentiment que, grâce à la collaboration des secrétaires d’État, je pouvais dans mon domaine obtenir plus de résultats concrets que Hitler, Goebbels et Bormann réunis. Sur le plan militaire, j’étais en bons termes avec Krebs, le nouveau chef de l’état-major général, car il venait de l’état-major de Model ; mais même Jodl, Buhle et Praun, le commandant en chef des transmissions, comprenaient de mieux en mieux dans quelle situation nous nous trouvions.
J’étais parfaitement conscient du fait que Hitler, s’il avait été au courant de l’activité que je déployais, aurait maintenant agi en conséquence. A coup sûr il aurait frappé. En ces mois… de double jeu, j’appliquai un principe très simple : me tenir le plus près possible de Hitler. Tout éloignement pouvait donner naissance à un soupçon, tandis qu’en revanche l’existence d’un soupçon ne pouvait être confirmée ou infirmée qu’à proximité immédiate. Mais, comme je n’avais pas de prédispositions pour le suicide, j’avais prévu de me réfugier dans un petit pavillon de chasse, assez primitif, à une centaine de kilomètres de Berlin. En outre, Rohland m’avait aménagé un abri dans l’un des nombreux rendez-vous de chasse des princes de Fürstenberg.
Durant les conférences d’état-major, début avril, Hitler parla encore de lancer des contre-offensives, d’attaquer sur ses flancs découverts l’ennemi occidental qui, ayant dépassé Cassel, poussait maintenant à grandes marches quotidiennes vers Eisenach. Hitler continuait d’envoyer des divisions d’un lieu à un autre. Kriegsspiel cruel et inquiétant. Quand, par exemple, le jour de mon retour d’un voyage sur le front, je voyais sur la carte les mouvements de nos troupes, force m’était de constater
Weitere Kostenlose Bücher