Au Coeur Du Troisième Reich
aucune réponse, mais ensuite une phrase me vint aux lèvres, qui ne voulait rien dire du tout et que je prononçai sans réfléchir, comme pour dire quelque chose. « Mon Führer, je vous apporte mon soutien inconditionnel. » Hitler ne répondit pas, mais il fut touché ; après une brève hésitation, il me donna la main, qu’il ne m’avait pas tendue à mon arrivée, ses yeux s’emplirent de larmes, comme cela lui arrivait souvent à cette époque. « Alors, tout va bien », me dit-il. Il était évident qu’il était soulagé. Moi aussi, je fus un moment touché, d’autant plus que je ne m’attendais pas à la chaleur de sa réaction. Quelque chose de nos anciens rapports s’était rétabli entre nous. « Puisque, repris-je pour profiter de la situation, je vous apporte mon soutien inconditionnel, c’est moi et non les Gauleiter que vous devez charger de l’application de votre décret. » Il m’autorisa à rédiger quelque chose en ce sens, qu’il signerait immédiatement. Pourtant, quand nous reparlâmes du contenu de son décret, il resta ferme sur le principe de la destruction des installations industrielles et des ponts. Je pris ensuite congé. Il était une heure du matin.
Installé dans une pièce de la Chancellerie, je rédigeai un « décret d’application » afférent à l’ordre de destruction du 19 mars 1945. Afin d’éviter toute discussion, je ne cherchai même pas à annuler l’ordre de Hitler. Je me contentai de définir deux choses : « L’application relève de la compétence exclusive des services et des organes du ministre de l’Armement et de la Production de guerre. C’est le ministre de l’Armement et de la Production de guerre qui, avec mon accord, en détermine les modalités. Il peut donner des instructions aux commissaires à la défense du Reich 10 . » J’étais ainsi rétabli dans mes fonctions. Une phrase faisait en outre dire à Hitler que, pour les installations industrielles, « la paralysie pouvait permettre d’atteindre le même but ». Je calmai naturellement ses inquiétudes en ajoutant que, sur ses directives, je pouvais ordonner la destruction totale d’usines particulièrement importantes. A vrai dire, je ne reçus jamais de telles directives.
Il apposa sa signature au crayon, presque sans discuter, après avoir seulement porté quelques corrections de sa main tremblante. Une modification apportée à la première phrase du document montre qu’il était encore à la hauteur de la situation ; j’avais rédigé cette phrase dans les termes les plus vagues possible, voulant seulement déterminer que les mesures de destruction avaient exclusivement pour but d’empêcher l’ennemi d’user de nos installations et de nos exploitations pour accroître sa puissance de combat. Assis derrière la table des cartes de la salle de conférences, il limita de sa propre main cette remarque aux installations industrielles.
Je crois qu’il est clairement apparu à Hitler qu’il rendait là une partie de ses desseins destructeurs irréalisable. Dans la conversation qui suivit, je tombai d’accord avec lui sur le fait « que la terre brûlée n’a pas de sens dans un aussi petit pays que l’Allemagne. Elle ne peut atteindre son but que dans de grands espaces comme ceux de la Russie ». Je consignai dans un carnet l’accord auquel nous avions abouti sur ce sujet.
Mais cette fois encore, Hitler agissait avec son habituelle duplicité : le même soir, il avait donné l’ordre aux commandants en chef de « donner un caractère d’extrême fanatisme à la lutte contre l’ennemi en marche. On ne peut en ce moment absolument pas prendre la population en considération 11 . »
Une heure après, je rassemblai toutes les motos, toutes les autos, toutes les estafettes disponibles, fis occuper l’imprimerie et pour les téléscripteurs pour mettre en jeu ma compétence retrouvée et stopper la destruction déjà mise en branle. A quatre heures du matin, je fis distribuer mes directives, mais sans demander l’accord de Hitler, comme le prévoyait le décret d’application. Sans scrupule, je remis en vigueur toutes mes instructions précédentes concernant le maintien en état des installations industrielles, des centrales électriques, des usines à gaz, des usines des eaux et des centres de ravitaillement, instructions que Hitler avait, le 19 mars, décrétées nulles et non avenues. J’annonçai, d’autres instructions plus
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