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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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convaincre même les sceptiques de l’entourage de Hitler du savoir-faire du metteur en scène, les attaques cessèrent.
    Une fois le contact entre nous établi, elle tira une coupure de presse toute jaunie d’une cassette et me dit : « Lorsqu’il y a trois ans, vous avez dirigé les travaux à la maison du Gau, j’ai, sans vous connaître, découpé votre photographie dans le journal », et comme, stupéfait, je lui demandais pourquoi elle l’avait fait : « Je pensais alors, répondit-elle, qu’avec cette tête-là vous pourriez jouer un rôle… dans un de mes films, naturellement. »
    Je me souviens que les prises de vues de l’une des séances solennelles du Congrès de 1935 avaient été détériorées. Hitler, sur la proposition de Leni Riefenstahl, ordonna de tourner ces scènes en studio. Je fis construire dans un des grands studios de Berlin-Johannistal les décors indispensables : une partie de la salle du Congrès, l’estrade et la tribune. Tandis qu’on installait les projecteurs et que l’équipe des réalisateurs s’affairaient, on voyait aller et venir, à l’arrière-plan, Streicher, Rosenberg et Frank étudiant leurs rôles, leur manuscrit à la main. Hess, qui devait parler en premier, arriva et on commença les prises de vues. Tout comme s’il était devant les 30 000 auditeurs du Congrès, Hess leva la main avec solennité. De ce ton pathétique et avec l’émotion sincère qui n’appartenaient qu’à lui, se tournant vers l’endroit très précis où Hitler n’était précisément pas assis à ce moment-là, se figeant au garde-à-vous, il proclama : « Mon Führer, je vous salue au nom du Congrès du parti. Le Congrès se poursuit. Le Führer va parler. » Son expression générale était si convaincante que, depuis ce moment-là, je ne fus plus si convaincu de la sincérité de ses sentiments. Les trois autres aussi, se révélant d’excellents comédiens, jouèrent leur rôle dans ce studio vide comme dans la réalité. Mon irritation était grande ; M me  Riefenstahl, au contraire, trouva que les prises de vues reconstituées étaient meilleures que les originales.
    Certes, j’admirais déjà la technique oratoire de Hitler, la prudente adresse dont il faisait preuve dans les réunions quand, par exemple, il tâtonnait souvent longtemps pour trouver le point qui déclencherait la première tempête d’applaudissements. Je ne me méprenais point non plus sur l’aspect démagogique que je contribuais à créer par mes décorations conçues pour les manifestations les plus importantes. Mais jusque-là, j’avais toujours été convaincu de la sincérité des sentiments auxquels les orateurs faisaient appel pour soulever l’enthousiasme des masses. Je fus d’autant plus surpris ce jour-là aux studios de Johannistal en découvrant que tout cet art pouvait également faire vrai sans public.
    Je me berçais de l’espoir illusoire que mes réalisations de Nuremberg feraient la synthèse entre le classicisme de Troost et la simplicité de Tessenow. Croyant avoir trouvé mon modèle dans le style dorique, je ne les qualifiais pas de néo-néo-classiques mais seulement de néo-classiques. Mais c’était là oublier, plus ou moins consciemment, que j’étais en train d’édifier un décor monumental semblable à celui qu’on avait déjà essayé d’édifier, avec des moyens plus modestes il est vrai, à Paris, sur le Champ-de-Mars, pendant la Révolution française. Classicisme et simplicité ne pouvaient supporter le gigantisme qui, à Nuremberg, m’avait servi d’échelle. Ce sont pourtant mes projets de Nuremberg qui, aujourd’hui encore, me plaisent le plus, quand je les compare à d’autres projets conçus plus tard pour Hitler et où la pompe l’emportait.
    Mon premier voyage à l’étranger, en mai 1935, me conduisit où ma prédilection pour le monde dorique le commandait, c’est-à-dire que je n’allai point en Italie retrouver dans ces palais de la Renaissance et ces constructions romaines le style colossal qui en faisait mes modèles historiques, mais que, avec une naïveté caractéristique de cette époque de ma vie, je me tournai vers la Grèce. Ma femme et moi y cherchions surtout des témoignages du monde dorique et je n’oublierai jamais combien nous fûmes impressionnés par le stade d’Athènes alors reconstruit. Quand, deux ans plus tard, il me fallut concevoir un projet de stade, je repris son plan en fer à cheval.
    A Delphes,

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