Au Coeur Du Troisième Reich
Hitler. Lentement et sous une pluie de fleurs, nous atteignîmes la porte moyenâgeuse de la ville. Des jeunes gens la fermèrent devant nous, des enfants grimpèrent sur les marchepieds des autos. Hitler dut donner des autographes, et c’est alors seulement que les jeunes gens nous ouvrirent la porte en riant. Hitler riait avec eux.
Partout, dans la campagne, les paysans déposaient leurs outils, des femmes faisaient de grands signes, c’était un voyage triomphal. A un certain moment, dans la voiture, Hitler se pencha en arrière pour me dire : « Jusqu’ici, un seul Allemand a été fêté de cette manière : Luther ! Quand il traversait le pays, hommes et femmes accouraient de tous côtés pour le fêter. Comme moi aujourd’hui ! »
Cette immense popularité n’était que trop compréhensible, car c’est à Hitler et à personne d’autre que l’opinion publique attribuait nos succès dans le domaine économique et en politique étrangère. De plus en plus, elle voyait en lui l’homme qui assouvissait la profonde nostalgie d’une Allemagne puissante, consciente de sa force et unie. Seul le petit nombre restait méfiant. Si quelqu’un, par hasard, sentait monter en lui quelques doutes, il les chassait en pensant aux succès du nouveau régime et au respect dont il jouissait à l’étranger.
Tandis que la population des villes et des campagnes rendait à Hitler ces hommages, qui m’enivraient moi aussi, un seul parmi nous continuait à se montrer critique : Schreck, le chauffeur que Hitler avait à son service depuis des années. J’entendais des bribes de leur conversation : « sont mécontents à cause de… membres du parti imbus… fiers, oubliant d’où ils viennent… » Après la mort prématurée de Schreck, Hitler suspendit dans son cabinet de travail à l’Obersalzberg son portrait à côté du portrait de sa mère 6 . Le père ne figura jamais à côté d’eux.
Juste avant Bayreuth, Hitler monta seul dans une petite berline Mercedes, conduite par son photographe personnel Hoffmann, pour se rendre incognito à la villa Wahnfried où l’attendait M me Winifred Wagner ; nous nous rendîmes, nous, à Berneck, petite station climatique toute proche, où Hitler avait l’habitude de passer la nuit quand il allait de Berlin à Munich. En huit heures, nous n’avions fait que 210 kilomètres.
Quand j’appris qu’on n’irait chercher Hitler à la villa Wahnfried que tard dans la nuit, je me vis dans un grand embarras, car nous devions continuer notre route dès le lendemain matin et il était fort possible qu’arrivé à Nuremberg, Hitler acceptât le programme de construction établi par les édiles de la ville dans le sens de leurs propres intérêts. Si cela se produisait, je ne pouvais plus espérer que Hitler prît mon projet en considération, car il ne revenait jamais sur une décision. Or seul Schreck devait le voir cette nuit-là ; je lui expliquai donc mon projet d’aménagement de l’esplanade du Congrès ; il me promit d’en parler à Hitler pendant le trajet et de lui transmettre mes plans en cas de réaction favorable.
Le lendemain matin, juste avant le départ, je fus mandé dans le salon de Hitler qui me déclara : « Je suis d’accord avec votre projet. Nous en parlerons aujourd’hui même à Liebel, le bourgmestre. »
Deux ans plus tard, Hitler serait allé, avec un maire, droit au but en lui disant : « Voici le projet de l’esplanade du Congrès ; voici ce que nous allons faire. » Mais à cette époque-là, en 1934, il n’était pas encore assuré de sa puissance et il passa d’abord une heure en explications préliminaires avant de sortir mon projet. Naturellement, le maire le trouva excellent car, en vieux membre du parti, il avait été éduqué à être d’accord sur tout.
Après avoir fait applaudir mon projet, Hitler commença une autre manœuvre d’approche. Le projet exigeant le déplacement du jardin zoologique, « peut-on espérer, demanda-t-il, que les habitants de Nuremberg accepteront cette mesure ? Ils tiennent beaucoup, je le sais, à leur jardin zoologique. Mais nous leur en paierons un autre, plus beau encore ». Le maire, se posant tout de suite en défenseur des intérêts de sa ville, objecta : « Il faudrait réunir les actionnaires et essayer de leur racheter leurs actions. » Hitler tomba d’accord sur tout. Dehors Liebel dit à un de ses collaborateurs, en se frottant les mains : « Pourquoi le
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