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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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réaliser des performances dont je ne me savais pas capable. Je connaissais là ma première passion. La possibilité de commander le rythme de l’équipe m’attirait encore plus que la perspective de gagner estime et considération dans ce monde de l’aviron, de toute façon fort limité.
    Nous étions certes le plus souvent battus. Mais comme il s’agissait d’un sport d’équipe, la part de la mauvaise performance personnelle était difficile à évaluer. Au contraire, on sentait naître un sentiment qui nous poussait à mettre en commun efforts et échecs. L’avantage d’un tel entraînement résidait également dans le fait que nous nous étions engagés solennellement à observer continence et abstinence. J’étais alors plein de mépris pour ceux de mes condisciples qui avec la danse, le vin et les cigarettes découvraient les premiers plaisirs.
    Sur le chemin de l’école je fis, à dix-sept ans, la connaissance de celle qui plus tard devait devenir ma femme. Mon zèle à l’école s’en trouva décuplé car nous convînmes, dès l’année suivante, de nous marier, mes études une fois terminées. Il y avait des années que j’étais bon en mathématiques, mais à partir de ce moment-là j’améliorai mes notes dans les autres matières et devins l’un des meilleurs élèves de la classe.
    Notre professeur d’allemand, démocrate convaincu et enthousiaste, nous lisait souvent des extraits du journal libéral, le Frankfurter Zeitung . S’il n’y avait pas eu ce professeur, j’aurais vécu à l’école dans un monde parfaitement étranger à la politique. Car l’éducation que nous recevions était à l’image du monde bourgeois et conservateur d’alors nous inculquant, malgré la révolution, que partage du pouvoir dans la société et autorités traditionnelles respectaient l’ordre voulu par Dieu. Nous restions à l’écart de tous les courants qui naissaient un peu partout au début des années 1920. On ne tolérait naturellement aucune critique de l’école, des matières enseignées, à plus forte raison de l’autorité et on exigeait une foi absolue en celle, indiscutable, de l’école. Nous n’avions même pas l’occasion de mettre en question cet ordre établi car, au lycée, nous étions soumis à la dictature d’un système de domination absolue. En outre, il n’y avait aucune matière ressemblant de près ou de loin à la sociologie et qui aurait pu développer notre jugement politique. En allemand, même en terminale, les devoirs ne portaient que sur des sujets d’histoire littéraire, nous interdisant toute réflexion sur les problèmes de la société contemporaine. Naturellement, cette absence de la politique à l’école ne nous incitait pas à prendre position, dans la cour du lycée ou en dehors, sur les événements politiques. Une autre différence fondamentale avec la situation actuelle résidait dans l’impossibilité de se rendre à l’étranger. Il n’existait aucune organisation pour prendre en charge des jeunes, même si ceux-ci avaient l’argent nécessaire à ces voyages à l’étranger. Il me semble indispensable d’insister sur cette lacune qui livra toute une génération sans défense aucune aux moyens techniques de propagande qui se multipliaient alors à toute allure.
    Même à la maison, il n’y avait pas de discussions politiques. Cela est d’autant plus étonnant que dès avant 1914 mon père était un libéral convaincu. Chaque matin, il attendait avec impatience le Frankfurter Zeitung etchaque semaine il lisait les hebdomadaires satiriques Simplicissimus et Jugend . Il appartenait au monde intellectuel de Friedrich Naumann qui luttait pour des réformes sociales dans une Allemagne puissante. Après 1923, mon père fut un adepte de Coudenhove-Kalergis, défendant avec ferveur ses idées paneuropéennes. Il aurait certainement aimé discuter avec moi de politique, mais j’évitais de saisir les occasions qui pouvaient se présenter et mon père n’insistait jamais. Ce manque d’intérêt correspondait, certes, au comportement d’une génération fatiguée et déçue par la guerre perdue, par la révolution, par l’inflation. Mais en même temps il m’empêcha d’acquérir des critères politiques et des catégories de jugement. Je préférais me rendre à l’école en traversant le parc du château de Heidelberg pour pouvoir contempler quelques minutes, du haut de la terrasse, la vieille ville et les ruines du château.

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