Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
Vom Netzwerk:
qu’il eut pris connaissance de l’ordre de mission, ses prières pour convaincre le pilote de retourner, l’assurant qu’il ne pouvait que s’agir d’un malentendu ; l’avion tournant des heures dans les nuages au-dessus du territoire allemand, les fausses positions communiquées au passager et destinées à le persuader qu’il se rapprochait du territoire espagnol, l’avertissement donné par le pilote de se préparer à un atterrissage forcé et enfin l’atterrissage sans histoire sur l’aérodrome de Leipzig. Hanfstaengl, réalisant, à la vue d’un terrain de lui connu, qu’il avait été l’objet d’une mauvaise plaisanterie, se mit dans tous ses états, déclarant qu’on en voulait à sa vie et disparut sans laisser de traces.
    Les divers épisodes de cette histoire déclenchèrent chez Hitler une hilarité d’autant plus grande que, dans ce cas précis, il avait aidé Goebbels à machiner cette farce. Mais quand, quelques jours plus tard, il apprit que son chef du service de presse pour l’étranger avait cherché refuge à l’étranger, il craignit que Hanfstaengl ne monnayât la connaissance intime qu’il avait de certaines affaires. Or, allant contre la réputation de rapacité qu’on lui avait établie, Hanfstaengl n’en fit rien.
    Le goût de Hitler pour les farces peu charitables destinées à briser sans pitié le renom et la considération de collaborateurs même très proches, trouva en moi aussi une certaine résonance. Pourtant, malgré tout l’attachement qui me liait toujours à lui, je n’étais plus la proie de cette fascination qui, dans les premières années de notre collaboration, lui avait permis de me dominer tout entier. Dans notre commerce quotidien, j’avais quelque peu pris mes distances, ce qui me permettait d’adopter parfois une attitude d’observation critique.
    J’étais d’ailleurs de plus en plus lié au maître d’ouvrage avant tout. Mettre tout mon savoir à son service et transposer ses idées dans la réalité m’enthousiasmait toujours autant. En outre, à mesure qu’augmentait l’importance de mes travaux, on me témoignait à moi aussi toujours plus de considération et de respect. L’œuvre, croyais-je à l’époque, que j’étais en train d’accomplir me mettrait au rang des plus célèbres architectes de l’histoire. La conscience que j’avais de ce destin me donnait en même temps le sentiment de ne pas seulement recevoir les faveurs de Hitler, mais de lui offrir en échange de ma nomination comme architecte une compensation d’égale valeur. A cela s’ajoutait le fait que Hitler me traitait comme un collègue, n’arrêtant pas de déclarer que, sur le plan de l’architecture, je lui étais supérieur.
     
    Un repas chez Hitler signifiait régulièrement une perte de temps considérable, car on restait à table jusqu’à quatre heures et demie environ. Naturellement personne ou presque ne pouvait se permettre de gaspiller son temps ainsi tous les jours. Moi-même je n’allais qu’une ou deux fois par semaine à ces déjeuners, pour ne pas devoir négliger mon travail. Mais il était en même temps important d’avoir été l’hôte de Hitler, car cela conférait un certain prestige ; en outre, il importait à la plupart des convives d’avoir une vague idée générale de l’opinion de Hitler sur les affaires du jour. Pour Hitler aussi, ces repas étaient utiles, car il pouvait de cette manière propager sans peine et de façon tout à fait officieuse un mot d’ordre ou une ligne politique. En revanche, il évitait le plus souvent de donner à ses hôtes un aperçu de son propre travail. Ainsi, il ne mentionnait jamais les pourparlers importants, si ce n’est pour railler son partenaire.
    Quelques-uns des hôtes de Hitler essayaient de profiter du repas pour l’amadouer et obtenir de lui un rendez-vous en prétendant, par exemple, avoir apporté des photographies du dernier état de certains travaux. Des photos de décors ou de mises en scène, de préférence du Wagner ou une opérette, fournissaient également un appât apprécié. Mais l’appât infaillible c’était la phrase : « Mon Führer, je vous ai apporté les plans de nouveaux projets », car elle attirait, presque à coup sûr, la réponse : « Ah bien, montrez-les-moi tout de suite après le repas. » Certes, l’assemblée des convives réprouvait une telle manœuvre. Mais, d’un autre côté, on courait le danger d’attendre des mois,

Weitere Kostenlose Bücher