Au Coeur Du Troisième Reich
présumait que Hitler entendrait parler. Ainsi Brinkmann avait invité toutes les femmes de ménage et les coursiers de la Banque du Reich à un grand dîner dans les salons de l’hôtel Bristol, l’un des plus grands hôtels de Berlin, les faisant danser lui-même en jouant du violon. Cette anecdote aurait presque pu cadrer avec les efforts faits par le régime pour démontrer la réalité de la communauté du peuple. Mais la suivante donnait déjà plus à penser. « Récemment, raconta Funk sous les rires de l’assistance, il prit position devant le ministère de l’Économie dans l’avenue Unter den Linden, tira de sa serviette un gros paquet de billets nouvellement imprimés – comme vous le savez, ils portent ma signature – et les distribua aux passants en criant : « Qui veut avoir des nouveaux Funken ? » Peu après cet incident, continua Funk, on vit clairement et définitivement qu’il était fou. Il avait, en effet, après les avoir tous rassemblés, crié aux fonctionnaires de la Banque du Reich : « Ceux de plus de cinquante ans, mettez-vous à gauche, ceux de moins de cinquante ans à droite », et avisant un des fonctionnaires du groupe de droite : « Et vous, quel âge avez-vous ? – Quarante-neuf ans, monsieur le vice-président ! – Alors, allez à gauche. Bon, tous ceux de gauche sont mis à la retraite, mais avec double retraite. » Hitler en pleurait de rire. Redevenu calme, il se mit à monologuer sur la difficulté qu’il y a parfois à reconnaître un malade mental. Par ce biais, Funk avait, en toute innocence, barré la route à une possible intervention de Göring. Celui-ci, en effet, avait tout intérêt à combattre de tout son poids, ce qu’aussi bien il fit par la suite, la thèse de l’irresponsabilité de Brinkmann, car ce dernier, ayant en tant que directeur de la Banque du Reich la signature, avait, dans son irresponsabilité, établi à l’ordre de Göring un chèque de plusieurs millions de marks que le « dictateur de l’Économie » avait encaissé avec une parfaite insouciance. Mais Hitler n’en savait encore rien et on pouvait s’attendre à ce que Göring l’en informât dans un sens qui lui serait favorable. Or l’expérience montrait que le premier à pouvoir éveiller en Hitler une certaine représentation des faits avait partie à moitié gagnée, car Hitler n’aimait pas du tout revenir sur une opinion déjà exprimée. Funk eut pourtant beaucoup de difficultés pour récupérer les millions encaissés par Göring.
Une des cibles favorites des railleries de Goebbels était Rosenberg, qu’il aimait qualifier de « philosophe du Reich » et discréditer par des anecdotes. Dans le cas de Rosenberg, Goebbels pouvait être sûr de son succès auprès de Hitler, aussi revenait-il si souvent sur ce thème que ces anecdotes ressemblaient à une pièce de théâtre bien montée dans laquelle les acteurs attendaient de dire leur réplique. On était presque assuré d’entendre Hitler la terminer par la tirade suivante : « Le Völkischer Beobachter est un journal aussi ennuyeux que Rosenberg, son éditeur. Nous avons dans le parti une feuille satirique, Les Orties, c’est la feuille la plus triste qu’on puisse imaginer. La vraie feuille satirique, en fait, c’est le Völkischer Beobachter . » Le propriétaire de l’imprimerie, Müller, n’échappait pas non plus aux railleries de Goebbels, à la grande joie de Hitler. Müller faisait en effet tout son possible pour garder et la clientèle du parti et ses vieux clients des cercles très catholiques de haute Bavière. De l’almanach pieux aux écrits anticléricaux de Rosenberg, sa production était éclectique. Il pouvait se le permettre car, dans les années 20, il avait souvent contribué à imprimer le Völkischer Beobachter , malgré des factures impayées.
Certaines plaisanteries étaient préparées avec soin, devenant de véritables coups montés, dont Hitler suivait le déroulement avec intérêt. C’est encore Goebbels qui, de tous, savait le mieux faire ces farces, encouragé dans cette voie par le succès rencontré auprès de Hitler.
Un vieux militant du parti, Eugen Hadamowski, était arrivé à occuper à la Radio une position clef, celle de directeur des émissions du Reich, mais maintenant il brûlait de l’envie d’être directeur de la Radio du Reich. Le ministre de la Propagande, ayant un autre candidat, craignait que Hitler ne soutînt Hadamowski qui, avant
Weitere Kostenlose Bücher