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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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avant d’obtenir de Hitler une audience officielle.
    Le repas terminé, Hitler se levait, les invités prenaient rapidement congé et l’élu passait avec Hitler dans le vaste salon contigu, appelé pour une raison mystérieuse le « jardin d’hiver ». Très souvent, Hitler me signifiait : « Attendez un instant. Je voudrais vous parler de quelque chose. » Cet instant durait souvent une heure ou plus. Alors Hitler me faisait enfin appeler, et, laissant toute raideur officielle, il s’asseyait en face de moi dans un des confortables fauteuils, pour s’informer de l’état d’avancement de mes travaux.
    Il était cependant souvent déjà six heures. Hitler se retirait alors dans ses appartements du premier étage, tandis que je me rendais à mon bureau. Je n’y séjournais parfois que brièvement, car, quand l’aide de camp de Hitler me téléphonait pour me dire que celui-ci me priait de venir dîner, je n’avais que deux heures devant moi avant de devoir à nouveau me trouver à la Chancellerie. Mais, quand j’avais des plans à montrer, il m’arrivait souvent aussi de ne pas attendre d’être invité pour y aller dîner.
    Ces dîners réunissaient quelque six à huit convives, ses aides de camp, son médecin personnel, son photographe Hoffmann, une ou deux connaissances de Munich, souvent son pilote Bauer, ainsi que son radio et son mécanicien et l’indispensable commensal Bormann. C’était le cercle le plus fermé de Berlin. Car, le soir, les collaborateurs tels que Goebbels étaient le plus souvent indésirables. Le niveau de la conversation était encore d’un degré plus bas qu’à midi. Elle se perdait dans l’insignifiance. Hitler aimait qu’on lui parle de représentations théâtrales ; la chronique scandaleuse l’intéressait également ; le pilote racontait ses vols, Hoffmann apportait sa contribution en racontant des anecdotes sur le milieu artiste de Munich ou les péripéties de sa chasse aux tableaux, mais le plus souvent c’est Hitler lui-même qui refaisait le récit de sa vie et de sa carrière.
    Encore une fois, le repas était des plus simples. Certes, l’intendant de la maison, Kannenberg, essaya quelquefois de nous servir, dans cette atmosphère intime, de meilleurs plats. Pendant quelques semaines, Hitler mangea même d’un bel appétit du caviar à pleines cuillères, trouvant excellent ce mets au goût nouveau pour lui. Mais s’étant informé du prix auprès de Kannenberg, il fut horrifié et interdit qu’on lui en servît de nouveau. On lui présenta alors du caviar rouge bon marché, mais il n’en voulut pas non plus, le trouvant également trop cher. Bien entendu le coût de ce caviar par rapport à la dépense générale ne représentait rien. Mais l’idée d’un Führer mangeant du caviar lui était insupportable.
    Après le dîner, la société se rendait dans le salon habituellement réservé aux réceptions officielles. On prenait place dans de confortables fauteuils. Hitler déboutonnait alors sa veste et allongeait ses jambes. La lumière s’éteignait lentement, tandis qu’on laissait entrer par une porte de derrière des employés, hommes ou femmes, et des membres de la garde personnelle de Hitler. Le film commençait. Nous restions alors, comme à l’Obersalzberg, assis là pour trois ou quatre heures sans rien dire, et quand, vers une heure du matin, la séance se terminait, nous nous levions raides et étourdis. Hitler seul paraissait encore frais, s’étendant avec prédilection sur le jeu des acteurs, s’extasiant sur le talent de l’un ou de l’autre de ses acteurs préférés, avant de passer à d’autres sujets. On poursuivait dans le petit salon une conversation qui traînait en longueur ; on faisait passer de la bière, du vin et des sandwiches, jusqu’au moment où, à deux heures du matin, Hitler prenait enfin congé. Souvent, je ne pouvais m’empêcher de songer que cette société médiocre était réunie en un lieu où Bismarck avait eu l’habitude de s’entretenir avec ses connaissances, ses amis et ses partenaires politiques.
    Je suggérais quelquefois à Hitler d’inviter une célébrité, un pianiste ou un savant, afin de secouer un peu la monotonie de ces soirées. Pourtant, à ma grande stupéfaction, il rejetait cette proposition en objectant : « Les artistes n’aimeraient pas tellement venir, à ce qu’ils prétendent. » En réalité, un grand nombre d’entre eux auraient ressenti cette invitation

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