Au Coeur Du Troisième Reich
1933, avait organisé avec beaucoup d’habileté les retransmissions de la campagne électorale par haut-parleurs. Le secrétaire d’État au ministère de la Propagande, Hanke, le convoqua pour lui annoncer officiellement que Hitler venait de le nommer « intendant du Reich ». Au repas, on rapporta à Hitler l’explosion de joie de Hadamowski à la nouvelle de cette nomination si désirée, en la caricaturant vraisemblablement de façon tellement grossière que Hitler tint le tout pour une magnifique plaisanterie. Le lendemain, Goebbels fit imprimer quelques exemplaires d’un journal annonçant cette prétendue nomination et couvrant le nouveau promu d’éloges exagérés. Goebbels s’entendait à ce genre de choses, aussi put-il raconter à Hitler tous les hommages et toutes les exagérations contenus dans l’article, ainsi que les débordements de joie de Hadamowski à leur lecture. Un éclat de rire de Hitler et de l’assistance salua ce récit. Le même jour, Hanke pria le nouveau promu de faire une allocution de bienvenue à un microphone non branché. La gaieté de l’assistance ne connut plus de bornes quand elle apprit avec quelle joie outrancière et quels signes de vanité manifeste le dindon de cette farce avait réagi. Goebbels n’avait plus à craindre d’interventions en faveur d’Hadamowski. C’était là un jeu diabolique au cours duquel celui qu’on ridiculisait ainsi n’avait même pas la possibilité de se défendre, ne soupçonnant vraisemblablement même pas que cette farce n’avait d’autre utilité que de le déconsidérer définitivement aux yeux de Hitler. Personne ne pouvait contrôler si Goebbels avait régalé son monde de faits réels, ou s’il avait laissé libre cours à son imagination.
On aurait pu croire que Hitler était la dupe de Goebbels, celui-ci induisant celui-là en erreur par ses intrigues. J’ai pu effectivement observer que Hitler, dans ces cas-là, n’était pas à la hauteur de Goebbels ; cette sorte de raffinement dans la vilenie n’était pas dans sa nature, plus directe. Mais ce qui, surtout, donne à réfléchir, c’est que Hitler soutenait et même provoquait ces jeux mauvais, en y applaudissant ; il lui eût certainement suffi d’une brève remarque irritée pour les faire cesser pour longtemps.
Je me suis souvent demandé si Hitler était influençable. Il l’était certainement à un haut degré quand on savait s’y prendre. Certes, Hitler était méfiant mais, comme il m’a souvent semblé, d’une méfiance grossière, car il ne perçait pas toujours à jour les coups raffinés ou un téléguidage prudent de son jugement, il ne sentait manifestement pas la « tricherie » systématique. Göring, Goebbels, Bormann et, à quelque distance, Himmler étaient passés maîtres dans ce jeu. Comme, dans les questions décisives, un parler franc ne pouvait amener Hitler à changer d’opinion, la position de force de ces hommes s’en trouvait consolidée.
Je voudrais en terminer avec le récit de ces repas de midi en racontant une dernière farce de la même veine perfide. Cette fois, c’est le chef du Service de presse pour l’étranger, Putzi Hanfstaengl qui fut la cible de Goebbels, car ce dernier voyait d’un œil méfiant les liens étroits qui unissaient personnellement Putzi Hanfstaengl à Hitler. Goebbels aimait surtout clouer au pilori sa prétendue avarice. Il essaya même, en apportant le disque, de faire la preuve que Hanfstaengl était allé jusqu’à voler la mélodie d’un song anglais pour en tirer une marche populaire intitulée Le Föhn .
Le chef du Service de presse pour l’étranger était donc déjà tombé en discrédit, quand Goebbels, au moment de la guerre civile espagnole, raconta à table que Hanfstaengl avait fait des remarques désobligeantes sur l’esprit combatif des soldats allemands engagés là-bas. Hitler en fut révolté. Il décida qu’il fallait donner une leçon à ce lâche qui n’avait aucun droit de juger de la vaillance des autres. Quelques jours plus tard, un chargé de mission remit à Hanfstaengl de la part de Hitler un pli cacheté que le destinataire ne pouvait ouvrir qu’après le départ de l’avion qui l’attendait. L’avion ayant décollé, Hanfstaengl, horrifié, lut qu’on allait le déposer en « territoire espagnol rouge » pour y travailler comme agent de Franco. Hitler connut tous les détails de l’affaire par Goebbels, le désespoir de Hanfstaengl après
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