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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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qui, bien entendu, étaient consignés sur les rapports officiels du camp – les livres de bord. Un des survivants a témoigné qu’il se souvenait spécialement d’une pendaison en présence du commandant, le 8 mai, « parce que c’était le jour de mon anniversaire ».
    Cette question sur sa manière de travailler est une des rares qui aient mis Stangl en colère durant nos entretiens. « Tout ce que je faisais de ma libre volonté, m’a-t-il répondu âprement, il me fallait le taire le mieux possible. Je suis comme ça. »
    Frau Stangl a de bonnes raisons pour avoir des souvenirs très précis du mois de mai 1943. « Je ne l’avais pas revu depuis Noël, quand il est venu en mission officielle, de Cracovie à Linz ; mais il n’est resté qu’une nuit. Jusqu’à juillet je ne l’ai vu que cette fois-là et c’est alors qu’a été conçue notre plus jeune, Isolde. Elle est née à huit mois, le 5 janvier 1944. Plus tard au procès un témoin a dit que Paul avait assisté à une exécution – une pendaison – le 8 mai ; et qu’il s’en souvenait parce que c’était son anniversaire. J’ai pensé et repensé à tout cela ; un moment j’ai hésité entre le 3 mai et le 8 mai ; mais plus tard, j’ai réalisé que ça ne pouvait pas être le 3 mai parce que j’avais mes règles ce jour-là. Donc il était à la maison le 8 mai ; donc il ne pouvait assister à une exécution à Treblinka, ce jour-là, n’est-ce pas ? »
    Il n’a jamais été prouvé qu’il ne pouvait pas être chez lui le 5 ou le 6 mai ; considérant qu’il a été impliqué dans la mort de centaines de milliers d’hommes, on ne voit pas non plus la raison qu’aurait eue sa femme de penser qu’il était vital de démontrer qu’il n’avait pas « assisté » à une exécution si ce n’est que, pour elle, réfuter la preuve de n’importe quelle horreur dont il était accusé, doit être un réconfort. « Ce jour de mai, a dit Frau Stangl, je l’ai à peine questionné. Il m’a dit qu’il essayait toujours de se sortir de là ; de se faire transférer dans une unité antipartisans dans l’Est. Mais bien sûr cette nuit-là, j’étais surtout heureuse. C’était une joie sans limites d’être là ensemble pour ces quelques heures inespérées. Mais même durant cette courte halte, je me souviens qu’il a été voir à nouveau Fräulein Hintersteiner à Linz. »
    Fräulein Hintersteiner avait travaillé à l’Institut d’euthanasie de Schloss-Hartheim comme secrétaire-comptable et son témoignage au procès de Stangl, comme celui d’autres témoins de la défense, a confirmé le vieux dicton sur les bateaux en train de couler. Elle a dit avoir rencontré Stangl à Hartheim ; que le travail s’y faisait sous le sceau du secret sous peine de mort ; qu’elle n’avait été membre du parti nazi qu’à partir de l’Anschluss mais que, effectivement, elle avait « sympathisé » auparavant. Elle a dit qu’elle savait ce qui se passait à Hartheim mais qu’elle ne pouvait se rappeler en avoir parlé avec Stangl, mais que c’était possible. Ils étaient de dix à quinze personnes dans ce bureau – une communauté de gens liés par le secret – qui vivaient, travaillaient, se distrayaient ensemble. Si elle était une amie intime de Stangl ? Non, seulement une « collègue » comme avec les autres. Elle connaissait « Kaufmann et sa femme » par son frère ; leurs maisons étaient voisines. Elle ne pouvait se souvenir si oui ou non elle avait dit à Stangl que Kaufmann avait été nommé en Crimée, mais c’était possible ; Kaufmann lui avait dit, au début de la guerre avec la Russie qu’il allait y être envoyé, mais elle ne pouvait se souvenir à quel titre. Elle ne savait pas si Stangl et Kaufmann se connaissaient. Elle ne pouvait pas se rappeler si Stangl lui avait demandé d’utiliser son influence sur Kaufmann pour obtenir un poste pour lui, comme adjoint de Kaufmann. Elle ne pouvait se souvenir si oui ou non elle avait « dit un mot » pour Stangl, mais elle pensait plutôt que non, car ses relations avec Kaufmann n’étaient pas si « intimes ». Elle ne pouvait pas se souvenir non plus si Stangl lui avait rappelé sa demande et, par conséquent, elle ne pouvait pas non plus se souvenir si elle avait transmis cette demande. En bref, la mémoire de Fräulein Hintersteiner – comme celle de beaucoup d’autres – était si altérée qu’elle ne se

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