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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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n’avait rien vu, n’avait rien deviné. Mais des centaines de soldats et de civils venaient à l’entrée du camp ; se plantaient le long des barrières, en bayant aux corneilles et en essayant de nous acheter des choses parce qu’ils connaissaient l’existence de toutes ces affaires. Pendant quelque temps, nous avons même eu au-dessus de nos têtes des avions volant bas pour voir ce qui se passait. J’ai fini par appeler le Q.G. À ce sujet et ils nous ont dit de tirer. Nous l’avons fait, et ils ont cessé. Mais nous n’avons jamais pu arrêter les autres – jamais complètement. Ils voyaient des cadavres de Juifs sur le terrain ou transportés hors de la gare. Ils les photographiaient. Tout l’endroit puait jusqu’au ciel à des kilomètres à la ronde. Deux semaines après être passés par là – ou après avoir “visité” les lieux – beaucoup de gens disaient qu’ils ne pouvaient plus manger. Mais non, ils n’ont rien vu et rien su. Bien sûr…
    En tout cas, cet officier de Kossov était assis chez moi, avec moi, ce lundi-là après le repas. Mes fenêtres donnaient sur la rue – la rue que je leur avais fait construire, vous savez, huit cents mètres bordés de fleurs. À droite se dressait la maison des gardes que nous avions bâtie, en style tyrolien. Je vous le dis, j’avais les meilleurs charpentiers du monde – tout le monde me les enviait. Tout était en bois, d’un style impeccable. Bien sûr, nous avions fait toutes ces constructions pour donner du travail, a-t-il dit sans insister particulièrement. Plus nous pouvions en employer légitimement à des travaux utiles, plus il y avait de survivants, au moins pour un temps. En tout cas, c’est là que la fusillade a commencé vers 2 heures dans ce bloc. Sacha, mon ordonnance, un Ukrainien, est arrivé en courant. En regardant par la fenêtre, j’ai aperçu quelques Juifs de l’autre côté de la barrière intérieure – ils avaient dû sauter du toit des logements des SS et ils tiraient. J’ai dit au gars de Kossov de rester là, j’ai pris mon pistolet et j’ai couru dehors. Pendant ce temps les gardes avaient commencé à tirer mais il y avait déjà des incendies dans tout le camp… »
    « À 2 heures de l’après-midi, a raconté Richard Glazar, est passé un ordre du comité annonçant qu’à partir de cet instant, on ne laisserait plus mourir un seul Juif. Si la moindre menace se produisait, le signal serait donné plus tôt que prévu. À 3 h 50, Kuba a dit quelque chose à Kuttner et bientôt après Kuttner s’est mis à battre un jeune gars. C’est de là que tout est parti – trois minutes avant 4 heures, probablement deux heures trop tôt… »
    Dans une lettre ultérieure, Richard a confirmé ces heures – et, en réponse à ma question sur ce qui avait déclenché prématurément la révolte, il a précisé : « Aucun de nous ne sait sans doute ce que Kuba a dit à Küttner. Mais, ajoute-t-il, ce Kuba était le “doyen” de la Baraque II et un mouchard comme Blau et ça a suffi pour nous convaincre [qu’il se passait quelque chose de louche]. »
    Suchomel a une idée différente sur ce démarrage prématuré. « Il y avait un certain Salzberg, dit-il. Il avait deux fils. Les deux garçons faisaient le ménage dans nos baraques. Le père Salzberg était magasinier dans l’atelier des tailleurs, par conséquent sous mes ordres. Il était très intelligent et se tourmentait pour ses gosses. Il m’avait raconté que sa femme était morte à Kielce avant qu’il vienne à Treblinka. Salzberg faisait partie du prétendu “comité” et c’est lui qui a précipité d’une heure la révolte, avant, par conséquent, qu’elle ne soit au point. La raison pour laquelle Salzberg a insisté, a pu être que son aîné avait fait l’avant-veille quelque chose – je ne sais pas quoi – qui avait embêté Kuttner. J’étais intervenu auprès de Kurt Franz pour sauver la vie du garçon et tout semblait être rentré dans l’ordre. Mais Salzberg avait encore peur que Kuttner le prenne. Ce garçon avait quinze ans, m’avait dit son père, le plus jeune en avait douze et s’appelait Heinrich. C’était un très gentil garçon. Je ne connaissais pas l’aîné qui travaillait dans une autre baraque. »
    Richard Glazar m’a écrit aussi à propos de Salzberg mais il a précisé qu’il n’avait qu’un garçon, âgé de seize ans. « Le seul cas où un père et un fils aient été

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