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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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reparu ; Rojzman croit encore qu’il est parti avec l’argent mais il reconnaît qu’il n’a plus entendu parler de lui depuis. (La chose est très improbable, car tous les survivants sont connus des autorités judiciaires polonaises et ouest-allemandes – et naturellement de tous les autres. Il ne fait guère de doute que le cousin est mort pendant la révolte.)
    Finalement Rojzman est parti avec plusieurs autres dont un jeune prisonnier du nom de Léon qui a dit connaître un « Polonais » dans un chalet au cœur de la forêt. Il voulait retrouver cet homme parce qu’il se fiait à lui et pensait qu’il accepterait de transmettre un message à sa femme, à Varsovie ; elle était non juive et pourrait lui apporter des vêtements et peut-être des faux papiers.
    Avant d’atteindre le chalet, ils sont restés plusieurs jours dans la forêt, se cachant d’abord de la Gestapo et de ses chiens, puis des Ukrainiens et des Polonais qui continuaient la chasse même après que les Allemands eurent laissé tomber. Quand ils trouvèrent l’homme, Staszek, il fut en effet d’accord pour les aider. « Quand nous lui avons demandé d’aller chercher la femme de Léon, a dit Rojzman, certains d’entre nous se méfiaient. Effectivement, nous avions un tas d’argent. Staszek avait une petite distillerie, à côté de son chalet. Je lui ai demandé quel bénéfice lui laissait la distillerie et je lui ai offert le double de la somme s’il allait à Varsovie et ramenait la femme de Léon. Certains pensaient encore qu’il ne le ferait pas, mais Léon lui faisait confiance et moi aussi. Je lui ai donné la moitié de la somme et lui ai promis l’autre moitié à son retour. J’ai parié avec les autres qu’il serait de retour le lendemain, samedi. Et il l’a été, avec la femme de Léon qui apportait le costume, le chapeau et les papiers pour Léon. Tous deux sont partis et nous sommes restés six dans la forêt. »
    Ils y sont restés un an. « Nous avions construit un très bon abri souterrain, pas loin du chalet de Staszek, dit-il. Staszek nous faisait la popote et souvent le soir nous allions boire chez lui. Une nuit que j’étais ivre, j’ai dit quelque stupidité du genre : « Je pourrais vous tuer tous. « Le plus jeune du groupe a pris peur et il s’est enfui dans les bois. Il est revenu tard dans la nuit et a demandé aux autres si j’étais endormi avant d’oser rentrer. »
    L’histoire de Berek Rojzman sur cette année passée en forêt est pleine d’anecdotes de ce genre sur la tension qui régnait dans le groupe, la domination qu’il y exerçait, et la peur qu’ils avaient de lui. « Nous discutions souvent au sujet de l’argent, a-t-il dit. Nous achetions des vêtements et de la nourriture par l’intermédiaire de Staszek. Deux du groupe n’avaient pas d’argent ; ça m’était égal, mais les autres ont dit qu’ils n’étaient pas là pour les nourrir, s’ils ne pouvaient participer aux dépenses et ils leur ont dit de filer. » « Nous avions pris l’habitude d’aller au village faire les achats. Je m’étais laissé pousser une longue moustache et je ressemblais à un fermier polonais. Un jour nous avons été arrêtés par un groupe de jeunes gars ; ils voulaient nos pistolets mais nous ne les avons pas laissé prendre. Nous avons dit que nous étions des partisans. Nous suscitions beaucoup de curiosité. »
    Il raconte que Staszek, lui aussi, devenait « trop curieux », et leur demandait tout le temps où était leur abri. « Mais nous pensions qu’il ne fallait pas qu’il le sache. Alors nous avons fait notre cuisine nous-mêmes. Nous avons eu de sérieuses disputes pour savoir qui ferait la cuisine. À la fin j’ai fixé à chacun sa tâche : ceux qui feraient la cuisine, ceux qui monteraient la garde et c’était moi qui décidais qui ferait quoi et quand.
    « Nous avons appris par les gens d’alentour que les Allemands avaient envoyé dans les bois pour rechercher les Juifs, des Ukrainiens qui se prétendaient partisans. Non, réellement, nous ne faisions pas de résistance – notre but était de survivre. Au bout d’un an, nous avons su par les villageois que les Russes approchaient. Ce jour-là, pendant que nous fouillions les environs à la recherche de nourriture, Janiek [un du groupe] avait été laissé de garde à l’abri. Quand nous sommes rentrés, nous nous sommes aperçus qu’il l’avait démonté pour chercher l’argent. Il

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