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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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hiérarchie catholique soit restée dans l’ignorance des programmes d’euthanasie hitlériens dès lors qu’un théologien catholique avait été officiellement chargé de fournir une consultation sur les réactions possibles des catholiques à l’euthanasie. Il est improbable également – sinon impossible – que des prêtres aient pu aider individuellement à Rome, à l’insu de leurs supérieurs, des criminels nazis à fuir au-delà des mers.
    Si l’on veut apprécier dans une juste perspective les actes accomplis individuellement durant et après la guerre par certains prêtres et situer la responsabilité des attitudes et des actes à sa place exacte au lieu de généraliser, on ne peut examiner l’affaire de « la filière d’évasion du Vatican » indépendamment de l’attitude du Vatican devant l’extermination des Juifs et des Tziganes, le meurtre de millions de Russes, le martyre des catholiques polonais – de toute l’atmosphère en somme qui régnait à l’époque au Saint-Siège ; atmosphère qui, si elle n’a pas provoqué à proprement parler les événements qui allaient jeter une ombre sur toute l’Église catholique, a certainement permis à ces événements de se produire. Les examens de conscience et les accusations qui en sont résultés sont probablement hors de proportion avec la réalité de la situation et surtout le nombre des ecclésiastiques concernés. C’est pour rétablir une perspective plus juste qu’il nous faut revoir l’attitude du pape Pie XII et de son entourage proche.
    Quatre raisons rendent compte, je crois, de la conduite du pape Pie XII dans les années fatidiques 1939-1945.
    La première et la plus importante – indubitablement admise – fut sa terreur du bolchevisme en tant qu’ennemi majeur de l’Église. Ce refus était si total chez lui qu’il l’a conduit pratiquement à juger l’immense majorité des Russes qui soutenait le système, indigne de sa sollicitude. (On trouve un écho de cette attitude du pape dans la réponse de M gr  Godfrey, nonce apostolique en Grande-Bretagne, au ministre des Affaires étrangères Lord Halifax quand, au printemps de 1939, ce dernier ayant suggéré qu’il pouvait paraître regrettable que la Russie ne fût pas incluse dans la liste des grandes puissances européennes, invitées par le pape à une conférence de la paix, M gr  Godfrey répliqua qu’ « en tout état de cause, le pape ne saurait envisager pareille démarche [93]  ».
    Il a beaucoup été question du silence du pape devant le martyre des catholiques polonais sous l’occupation nazie, et bien entendu, devant l’extermination des Juifs. Mais on a parlé moins encore d’un autre silence plus profond. Car il lui arriva, en fait, à diverses occasions, d’adresser des paroles de réconfort – si conventionnelles et inefficaces qu’elles aient été – aux Polonais affamés et agonisants. Et, à la date mémorable du 24 décembre 1942, il a émis effectivement, quoique d’une façon obscure et détournée, sept vocables qui se rapportaient aux Juifs (il est douteux cependant qu’ils aient été remarqués par quiconque, en dehors des cercles religieux spécialisés).
    J’ai étudié attentivement les cinq volumes d’archives publiés par le Vatican entre 1967 et 1972. D’une lettre à l’autre, d’un document à l’autre, le pape déplore les outrages de la guerre, et plus spécialement les bombardements aériens de civils innocents. Mais nulle part on ne trouve un mot concernant le meurtre de millions de civils russes.
    Les directeurs des publications du Vatican ont imprimé la lettre déchirante écrite les 29/31 août 1942 par l’archevêque de Leopol en Ruthénie (Ukraine du Sud), M gr  Szeptyckyj. Il y fait non seulement savoir au pape que 200 000 Juifs ont déjà été mis à mort à cette date dans cette petite province – en donnant certains détails sur les exécutions – mais il parle aussi de la mort de « centaines de milliers de chrétiens ».
    « Libérés par l’armée allemande du joug des Bolcheviks, écrit-il, nous avons d’abord ressenti un certain soulagement, lequel cependant n’a pas duré plus d’un ou deux mois. Peu à peu le gouvernement a institué un régime de terreur et de corruption inimaginables… Aujourd’hui le pays tout entier pense que s’il existe quelque chose de pire, de presque diaboliquement pire que le régime bolchevik, c’est le régime allemand. »
    Ce

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