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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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cette époque, voyez-vous. Je présume que je l’avais écarté – chassé – de mon esprit. Je voyais Paul passer en jugement pour Hartheim et interné dans cette prison sinistre – appelée Garsten, je crois. Et donc, vous comprenez, je n’avais qu’une idée : qu’il s’échappe.
    « Je lui ai donné mes économies, pas grand-chose ; je crois me rappeler que ça se montait à moins de 500 schillings. Et je lui ai donné une montre que j’avais, une bague que m’avait donnée la duchesse et un collier qui me venait de ma grand-mère.
    « Il est parti avec un autre dont je ne peux plus me rappeler le nom [elle se l’est rappelé plus tard : Hans Steiner]. Ils ont quitté la prison quelques jours plus tard avec des provisions dans un sac à dos ; surtout des conserves je crois. Le lendemain un officier de police autrichien s’est présenté chez moi. Il a demandé si mon mari était à la maison. J’ai dit qu’il n’y était pas, non, et je lui ai proposé de fouiller l’appartement et il a répondu très poliment : “Non, non, ce n’est pas du tout nécessaire”, et il est reparti aussi vite qu’il était venu. À part lui, personne n’est venu me demander quoi que ce soit ; ni les Américains ni aucun journal.
    « Naturellement je n’ai su les détails de la fuite de Paul que longtemps après. Mais ils n’avaient vraiment pas beaucoup d’argent – pas même assez pour prendre le train ; ils ont d’abord marché jusqu’à Graz ; là il a vendu les bijoux, très mal. C’est là aussi qu’il a rencontré Gustav Wagner. Ils passaient le long d’un chantier – une maison qu’on était en train de démolir – quand un homme en est sorti en criant : « Mon commandant ! « c’était Wagner, qui travaillait sur ce chantier. Quand ils lui ont dit qu’ils étaient en route pour l’Italie, Wagner les a suppliés de le laisser les accompagner, et il les a suivis à peu près comme il était ; il n’avait pas d’argent, rien… »
    Simon Wiesenthal, à qui on attribue le rôle majeur dans la « capture » de Stangl au Brésil, vingt ans plus tard, s’est montré très sceptique au sujet de ces déclarations de Frau Stangl. « Je crains qu’elle ne vous ait menée en bateau », m’a-t-il dit. La thèse de Herr Wiesenthal a toujours été que les évasions de personnes comme Stangl étaient minutieusement préparées, et financées par des organisations du genre de la mystérieuse « Odessa » (souvent mentionnée dans les romans et la grande presse), dont l’existence n’a encore jamais été prouvée. Les procureurs du Centre national d’investigation de Ludwigsburg sur les crimes nazis qui savent avec précision comment était financé, depuis la fin de la guerre, l’entretien de certains individus installés en Amérique du Sud, ont épluché de la première à la dernière page leurs milliers de documents, sans jamais parvenir, disent-ils, à authentifier « Odessa ». Non que le fait ait une grande importance : il y a eu certainement après la guerre diverses organisations de secours aux nazis – le contraire serait surprenant. Mais, quel que soit l’attrait de certaines théories sur la conspiration, il ne saurait nous dispenser d’examiner objectivement l’identité et les motivations des individus qui – le fait est aujourd’hui établi – ont aidé effectivement des gens comme Stangl à s’enfuir.
    J’ai consacré pas mal de temps à rechercher des preuves documentaires soit à l’appui du récit de Stangl, soit en contradiction avec lui, sur la façon dont lui-même et d’autres de son espèce, se sont enfuis d’Europe ; il s’avère que les faits dans leur réalité ne sont ni dramatiques ni univoques ; ils sont complexes, ambigus, et tout ce qu’ils démontrent en dernière analyse est que l’histoire n’est pas faite par des organisations mais par des individus avec leurs faiblesses individuelles et leurs responsabilités individuelles.
    « C’est absurde, m’a dit Simon Wiesenthal, à propos du fait que Stangl aurait “tout simplement quitté l’Autriche à pied”. Sans papiers, sans passeport, c’est impossible – et la frontière ? C’est un mensonge ; il avait des papiers fournis par “Odessa”, c’est évident. »
    « Mon mari avait une carte d’identité en quatre langues, dit Frau Stangl. Tous les Autrichiens ont eu de ces cartes à partir de la fin de la guerre [91] . Il m’a raconté plus tard

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