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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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sélectionnés par la Gestapo de Berlin… s’enivrent pour oublier dans la petite auberge d’Hadamar, où les clients habituels s’efforcent de les éviter. »
    Frau Stangl – femme d’une honnêteté exemplaire en somme – confirme qu’elle a été au courant. « J’ai dû lire quelque chose… ou entendre parler à l’église du sermon du comte Galen, et je me souviens même en avoir parlé à mon mari quand il venait en permission. Mais j’ignorais naturellement à cette époque qu’il était affecté à Hartheim, et même si je l’avais su, ça ne m’aurait rien dit. Je n’ai appris qu’après la guerre que Schloss-Hartheim était un de ces endroits. Je ne me rappelle plus ce que mon mari a dit quand j’ai parlé avec lui du sermon du comte Galen ; je sais toutefois qu’il n’a jamais abordé le premier ce sujet. Mais c’était naturel pour moi ; ça faisait partie de son caractère, de sa règle de vie : ne jamais parler à la maison de ce qui se rapportait au service. Après la guerre, il m’a dit ce qu’il vous a aussi raconté : la religieuse, le prêtre, le pauvre petit idiot de seize ans dans son moïse. »
    Beaucoup de ceux qui exercent à demeure dans les asiles psychiatriques sont affectés d’une tristesse et d’un désespoir particuliers. Combien parmi ces religieuses et ces prêtres en sont venus – au terme peut-être d’un conflit intérieur déchirant – à penser à cette époque que l’euthanasie représentait une délivrance, une occasion pour cette catégorie de malades d’accéder à la vie éternelle et au bonheur, on ne peut le savoir. Mais on sait aujourd’hui que quelques-uns au moins de leurs supérieurs ne partageaient pas l’opinion du prêtre et de la religieuse rencontrés par Stangl. Les protestations de divers évêques protestants et catholiques en 1940 et 1941 atteignirent leur apogée le 3 août 1941 lors du sermon de Galen en l’église Saint-Lambert de Münster.
    C’est également cet été-là que Hitler, passant par Hof près de Nuremberg, au cours d’un voyage, vit son train immobilisé par le transbordement de malades dans des camions et entendit pour la première fois peut-être, à ce qu’on raconte, une foule irritée le conspuer. Toujours est-il que, le 24 août 1941, le Dr. Karl Brandt (il devait en témoigner plus tard) reçut verbalement de Hitler, au quartier général de ce dernier, l’ordre de suspendre le Programme d’euthanasie. Il n’existe pas de trace écrite de cet ordre. Brandt le transmit à Philip Bouhler par téléphone.

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    Pour comprendre comment le Programme d’euthanasie était réalisable en plein XX e  siècle dans un pays théoriquement chrétien, il nous faut entrer plus avant dans l’histoire de son développement. Il faut aussi prendre tout au moins en considération une histoire troublante qui n’est jamais sortie au grand jour et qui repose sur un témoignage personnel et circonstanciel. Or ce témoignage a des implications déconcertantes car si, comme je le crois, il mérite qu’on y ajoute foi, on pourrait, semble-t-il, en tirer la conclusion que l’Église catholique, le Vatican compris, était au courant des projets d’euthanasie de Hitler avant même la mise en train du Programme. D’après une analyse attentive de Lothar Gruchman, de l’Institut d’histoire contemporaine de Münich, l’Euthanasie et la justice dans le III e Reich, la question de l’euthanasie – « suppression d’une vie non valable » – a été soulevée dès 1933 dans des discussions ministérielles qui avaient trait à des propositions de modifications du Code criminel allemand. L’Église catholique allemande déclara alors, sans compromis possible, que toute forme d’euthanasie reconnue par la loi était incompatible avec la morale chrétienne. Deux ans plus tard, en 1935, le Dr. Franz Gürtner, ministre de la Justice du Reich, devait rejeter sans discussion une proposition de ratification de l’euthanasie présentée par le ministre de la Justice de Prusse. Toutefois, la formulation du rejet laissait pressentir un premier compromis ; le rapport (sur le travail de la commission de législation criminelle) porte que « la reconnaissance par la loi de la suppression d’une vie non valable est hors de question » mais que « l’État national-socialiste a déjà commencé à remédier à ces phénomènes de dégénérescence dans le corps de la nation par des mesures telles que la loi

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