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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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sur la prévention des maladies héréditaires dans les jeunes générations, ce qui signifie que le processus de dégénérescence est en réalité en voie de décroissance ».
    Le projet de loi auquel Gürtner se réfère, sur la stérilisation obligatoire des hommes et des femmes affligés de maladies héréditaires, avait été discuté pour la première fois au Conseil des ministres du Reich, le 14 juillet 1933 – six jours avant la date prévue (20 juillet) pour la signature du Concordat entre le gouvernement nazi et le Saint-Siège, concernant les affaires ecclésiastiques, négocié par le cardinal Pacelli et signé par Pie XI. À cette occasion, le vice-chancelier de l’époque, Franz von Papen, s’était opposé au projet, s’appuyant sur le fait que le dogme catholique condamnait la stérilisation. Il suggérait un compromis par lequel ou bien la stérilisation serait autorisée dans le seul cas où interviendrait une décision volontaire du malade, ou bien « la détention » de ces malades pourrait être envisagée. Hitler n’en opta pas moins pour le projet initial, mais il admit qu’il convenait de surseoir à la promulgation de la loi tant que le Concordat du 20 juillet 1933 ne serait pas signé. La loi fut donc promulguée le 25 et les réactions immédiates de nombreux membres du clergé catholique allaient prouver que l’inquiétude de von Papen était parfaitement fondée. Le père Robert Leiber, SJ, ami de longue date et confesseur d’Eugenio Pacelli (nonce apostolique en Allemagne de 1917 À 1929, cardinal secrétaire d’État au Vatican de 1930 à 1939 et pape, sous le nom de Pie XII de 1939 à 1959) adressa une longue lettre au cardinal Pacelli le 17 août 1933 pour exprimer son inquiétude profonde au sujet de nombreux aspects de la politique national-socialiste.
    Étant donné les doutes nombreux qui devaient surgir durant et après la Seconde Guerre mondiale sur l’attitude du pape Pie XII envers les nazis (et dont il sera question dans ce livre à plusieurs reprises), il convient à cette occasion de rappeler en toute justice les convictions antinazies bien connues du père Leiber, et cela d’autant plus qu’il existe des preuves écrites qu’en ces premières années tout au moins, Eugenio Pacelli partageait pleinement ces appréhensions [20] .
    Dans sa lettre du 17 août 1933, le père Leiber exprimait « sa particulière anxiété au sujet de la confusion idéologique qui gagnait les esprits des catholiques allemands. Les nationaux-socialistes, disait-il, font tout ce qu’ils peuvent pour convaincre la population catholique qu’un accord idéologique est [aussi] intervenu entre l’Église et les nazis. Depuis déjà six mois, les autorités catholiques n’osent plus (et on ne leur donne pas non plus l’occasion de le faire) exposer et préciser les différences idéologiques entre l’Église et le Parti. En vérité, poursuivait-il, un certain nombre de professeurs des facultés de théologie catholique en sont déjà venus jusqu’à enseigner que ce n’est pas le devoir de l’État de servir le peuple, mais le devoir du peuple de servir l’État ». Il disait encore que les théologiens en question attribuaient des origines catholiques aux principes de l’État totalitaire en utilisant, pour étayer leurs prétentions, des citations de saint Thomas d’Aquin séparées de leur contexte, et même falsifiées, car les citations étaient en réalité d’Aristote dont « les conceptions sur les rapports entre l’individu et l’État sont tout entières celles de l’Antiquité païenne ».
    Bien que la clause finale du Concordat, ajoutait le père Leiber, assurât à l’Église catholique le droit de répandre librement son idéologie, il n’avait trouvé personne en Allemagne pour croire à la possibilité d’exercer librement ce privilège. Déjà, disait-il, il était devenu impossible de faire accepter des idées et des articles contraires à l’opinion du Parti même dans les publications catholiques. Quand le fait se produisait, le directeur catholique de la publication était écarté et remplacé par un national-socialiste, mais la publication continuait à paraître sous un patronage en apparence catholique [façon d’endormir les soupçons du lecteur par une fausse sécurité]. Et le père Leiber, entre autres exemples, joignait à sa lettre une coupure tirée du magazine Germania [publié par von Papen] du dimanche 13 août 1933.

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