Au Fond Des Ténèbres
mit Philip Bouhler (chef de la Chancellerie du Fürher) dans la confidence. Et là-dessus, selon Brack, Bouhler protesta, disant que si ses hommes étaient employés à des « tâches si inconcevables », on ne pourrait jamais plus s’en servir pour l’euthanasie.
Brack, selon compte rendu, fut impliqué dans l’organisation des camps de la mort dans l’Est, dès l’automne de 1941, il est donc improbable qu’il ait dit la vérité en soutenant que ni lui ni Bouhler ne connaissaient leur existence. Mais l’anxiété exprimée selon lui par Bouhler au sujet de l’effet sur le « personnel » sonne juste ; elle révèle la nervosité ressentie par ceux qui exécutaient le programme d’extermination. Il devait y avoir une inquiétude considérable au sujet des hommes ; même pour des nazis, la différence devait être énorme entre la mort administrée par pitié à des malades incurables et souvent malheureux comme ils le prétendaient, opération rigoureusement contrôlée, et le meurtre systématique et brutal de milliers et de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants en bonne santé. On a dû inévitablement se demander si les hommes envoyés en Pologne pour mettre en route le projet, seraient capables, quand ils le connaîtraient en détail, de le pousser jusqu’au bout. Ce genre d’inquiétude peut bien avoir donné l’idée qu’une initiation graduelle – ou peut-être une soudaine initiation, mais sur le lieu de leur travail même – serait plus habile qu’une pleine information dès le début. Il y avait aussi le très réel danger des fuites. Quand on a examiné de près ces problèmes on ne peut pas continuer à croire que les SS n’ont jamais rien dit de leurs activités à leurs femmes.
L’exemple en est donné par Gustav Münzberger qui était à l’Institut d’euthanasie de Sonnenstein avant d’être nommé à Treblinka. « Certes, j’ai su au bout d’un petit moment ce qu’il faisait, m’a dit Frau Münzberger. Il était entendu qu’il ne devait rien dire, mais vous savez comment sont les femmes. » Et elle a eu un bon sourire. « Je l’ai questionné, questionné, et finalement il a parlé. C’était affreux évidemment », ajouta-t-elle toujours aussi souriante, « mais que pouvions-nous faire ? » En réalité toutes les femmes allemandes n’auraient pas été si accommodantes, surtout si elles avaient eu connaissance de la nature des occupations de leurs maris avant qu’ils aient été embarqués dans cette galère. Aux yeux de la hiérarchie nazie, une telle diffusion de l’information pouvait représenter un très réel danger. Et la possibilité que les femmes puissent empêcher leurs maris d’accepter de telles affectations en était un autre.
Il y avait aussi que l’administration avait besoin de maintenir une prise solide sur ces hommes. Affecter un homme à quelque vague « poste ultra-secret » dans l’Est était une chose ; le garder à ce poste après qu’il eut réalisé de quoi il retournait était peut-être chose tout à fait différente. Je ne crois pas que ces individus-là – juste ceux-là parmi les quatre cents membres du personnel de T4 – n’aient pas été choisis avec beaucoup de soin avant d’avoir reçu leur nomination à Lublin. Mais il est tout à fait vraisemblable que la plupart ont été maintenus dans une ignorance relative de ce qu’impliquait exactement leur affectation jusqu’à ce qu’ils aient vu de quoi il retournait ; et ayant vu, ils étaient compromis et conscients du danger que représentait le fait de savoir.
Je n’avais pas facilement cru Stangl quand il m’avait raconté son accession au commandement du camp de la mort ; j’aurai toujours mes doutes là-dessus. Mais comme beaucoup d’autres choses qui ne seraient pas arrivées dans des conditions normales à des gens normaux, il n’est pas impossible que ce soit vrai.
Stangl m’a raconté en deux occasions à deux mois d’intervalle, sa première visite à l’emplacement de Sobibor. Durant notre seconde série d’entretiens, je revenais sur plusieurs questions, sur tous les points à propos desquels j’avais des doutes. Son histoire a débuté de la même manière les deux fois, mais ensuite elle a différé légèrement sur quelques détails.
« J’ai passé cette première nuit dans un cantonnement d’officiers à Lublin », dit-il.
Etes-vous allé faire un tour ?
« Non j’étais fatigué, je devais partir tôt
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