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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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pas ce que signifiait le fait qu’ils aient eu la permission de venir ? Globocnik m’avait dit, des mois auparavant, que j’avais besoin d’une permission. Mais on n’allait pas me laisser retourner au pays, comme les autres. J’étais en danger, c’était tout à fait évident. Et ils s’arrangeaient bigrement pour que je le sache. »
    La femme de Stangl et ses deux petites filles de six et quatre ans, sont arrivées peu de temps après qu’elle l’eut averti des formalités qu’elle avait remplies et ils sont tous allés habiter chez l’expert Baurath Moser à Chelm, à trente kilomètres environ du camp.
    Étiez-vous alors officiellement en permission, ou deviez-vous vous rendre à Sobibor, pendant cette période ?
    « Pendant que nous étions à Colm, j’étais en permission. »
    Votre femme vous a-t-elle questionné sur ce que vous faisiez à Sobibor, sur ce qu’était ce camp ?
    « Très peu à ce moment-là : comme je vous l’ai expliqué, elle avait l’habitude de ne jamais m’entendre parler de questions de service. Et rien que d’être ensemble, nous étions si heureux. Ce qui était curieux c’était de n’avoir aucune nouvelle de Lublin ni de Wirth. Je n’avais pas d’instructions officielles précises sur la durée de ma permission ni sur la durée du séjour de ma famille, rien. Au bout de trois semaines, je suis allé voir Höfle et je lui ai demandé. Il m’a dit “Pourquoi faire des vagues ? Si personne ne vous a rien dit, pourquoi ne pas les garder un moment ici ? Casez-les quelque part, dans les environs, et ne vous faites pas de souci. “ »
    Qu’est-ce que vous avez pensé que cela voulait dire ?
    « J’étais si heureux de les avoir là, vous savez ; c’était un tel soulagement, que j’ai décidé de ne penser à rien, sauf à mon bonheur. Je nous ai trouvé des chambres dans un domaine à quelques kilomètres du camp de Sobibor, près du village. C’était un élevage de poissons appartenant au comte Chelmicki » [il avait dit Karminski, mais Frau Stangl a corrigé plus tard].
    À quelle distance était-ce exactement du camp ?
    « Cinq kilomètres. »
    Pan Gerung, le gardien de Sobibor, se souvenait bien de ce domaine, trente ans plus tard ; il a été démoli un an avant mon séjour en Pologne. Mais sa femme et lui doutaient que la famille Stangl y ait séjourné. « Vous confondez sans doute avec une grande maison blanche construite par les Allemands, qui servait en quelque sorte de club d’officiers, et située de l’autre côté du lac. Ils avaient l’habitude d’y aller les fins de semaine pêcher – et les autres jours aussi, pour y passer la soirée. D’énormes quantités de boisson entraient là-dedans et des tas d’autres choses. Les Polonais n’avaient pas le droit d’y aller. »
    J’ai répondu que j’étais sûre que c’était au domaine qu’avaient résidé les Stangl – aucun doute qu’ils y aient réquisitionné des chambres car le club n’aurait guère convenu à de jeunes enfants.
    « Mais l’élevage de poissons était à quatre kilomètres du camp, à travers les bois, m’a dit Pan Gerung. Si réellement il avait parcouru à cheval ces bois, seul, voyons, n’importe qui aurait pu lui tirer dessus, à tout moment. » Cet habitant polonais d’un autre Sobibor, à une autre époque, semblait sincèrement intrigué, et même stupéfait. Et ce qu’il disait était la vérité : tout le monde, dans le coin, savait ce qu’était Sobibor ; chacun savait que Stangl en était le commandant ; n’importe qui – même sans autre raison que faire le geste – aurait pu le descendre durant ses chevauchées à travers bois, presque quotidiennes. Mais personne ne l’a fait.
    Les Chelmicki, ai-je dit , devaient savoir ou se douter de ce qui se faisait à Sobibor. Si secrète que soit une opération, il y a toujours des fuites, des rumeurs. Votre femme ne savait toujours rien ?
    « Les Chelmicki étaient tout à fait charmants. Mais je ne pense pas qu’ils auraient osé parler de ça, même s’ils avaient su quelque chose » (« Les Juifs qui travaillaient à l’élevage de poissons étaient tous très bien traités, m’écrivit plus tard Frau Stangl. Et moi aussi… »)
    « Ma femme l’a découvert, mais pas par eux, m’expliqua Stangl. Un des sous-officiers, l’adjudant Ludwig, est venu un jour en mon absence. Il était ivre et il lui a tout raconté sur Sobibor. Quand je suis rentré, elle

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