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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Pour le reste, qui a son importance, il a chez lui, à son service, comme tous les officiers, une belle Choctaw, tresses aile-de-corbeau, profil aquilin, regard d'onyx, peau lisse adoucie à la graisse d'ours depuis l'enfance, taille flexible comme liane, qui entretient son linge, fait le ménage et lui prépare peut-être, le soir venu, sa tisane de sassafras !
    Mlle de La Mothe-Cadillac, dont on ignore si elle était belle ou laide, mais accordons-lui de la beauté pour l'agrément du souvenir, ne tentait manifestement pas Bienville. Comme la jeune fille dépérissait – le climat subtropical devait accélérer la consomption – le gouverneur, bien que jugeant un Le Moyne, petit-fils de cabaretier dieppois, tout à fait indigne d'une descendante des Cadillac, mit son orgueil dans sa poche et, bon père, s'en fut proposer sa fille au lieutenant du roi. M. de Bienville feignit, dit-on, une vive surprise, se dit extrêmement honoré par une proposition aussi flatteuse, mais, sans tergiverser, expliqua au gouverneur que le célibat devait être l'état naturel d'un soldat et qu'il y restait fort attaché. Refuser la main d'une fille, si généreusement offerte, est un affront qu'aucun père ne peut pardonner. M. de La Mothe-Cadillac ne pardonna pas et se mit à proclamer, dès le lendemain, que M. de Bienville ayant eu l'audace d'oser lui demander sa fille aînée en mariage il avait, avec hauteur, refusé cette mésalliance inimaginable !
    M. de Bienville, dont la galanterie avait ses limites, finit par écrire au ministre pour lui expliquer les raisons de l'animadversion du gouverneur : « Je puis assurer Votre Excellence que la cause de l'inimitié de Cadillac à mon égard est due au fait que j'ai refusé d'épouser sa fille. » On ne peut être plus aimable… ni plus clair !

    Une guerre indienne
    Pendant que la colonie s'amusait de ces arlequinades, que les dirigeants échangeaient des propos aigres, que colons et militaires usaient de toutes les astuces pour subsister, les traitants anglais cajolaient les Alabama, les Chacta et les Chicassa, faisaient des affaires avec les chefs et conseillaient aux guerriers de se débarrasser des Français, pauvres gens dont ils ne tireraient jamais rien. Un certain Price Hughes, agent anglais mandaté pour évincer les Français et assurer la pénétration britannique jusqu'aux rives du Mississippi, avait déjà installé un magasin chez les Natchez et plusieurs de ses compatriotes s'apprêtaient à en faire autant dans d'autres villages indiens de Louisiane.
    Les coureurs de bois glanaient et rapportaient ces informations. Les habitants de l'île Dauphine furent mécontents, et aussi un peu honteux, quand ils apprirent que des Français, déserteurs des forts, des traitants appâtés par de meilleurs gains ou des coureurs de bois canadiens, anciens captifs des Indiens délivrés par les Anglais, servaient avec zèle les visées de la nation rivale. La menace qui pesait sur l'existence de la Louisiane devenant manifeste et les alliances indiennes s'effilochant, La Mothe-Cadillac fut bien obligé de faire appel à Bienville, qu'il avait, quelques semaines plus tôt, condamné aux arrêts de rigueur sans le moindre effet, l'intéressé n'ayant tenu aucun compte de cette punition ! Le lieutenant du roi, se sachant indispensable dans une telle conjoncture, n'attendait qu'une occasion de faire valoir ses compétences et son courage.
    En quelques semaines, avec une poignée de Canadiens, il rallia les Indiens hésitants, organisa le pillage de tous les magasins étrangers, fit arrêter Price Hughes et les traitants anglais, qu'il expulsa par bateau avec ordre au capitaine de ne débarquer ses passagers qu'à Veracruz. L'alter ego anglais de Bienville, lieutenant du roi en Caroline, capturé par les Indiens redevenus francophiles, eut moins de chance. Rendu à la liberté, l'officier britannique fut massacré, alors qu'il regagnait Charles Town 8 , par d'autres Indiens rancuniers, qui avaient un contentieux avec ses compatriotes.
    Conscient d'avoir déclenché la furie indienne contre les ennemis blancs des Français, Bienville, qui connaissait les raffinements de cruauté dont ses alliés indigènes étaient capables sur la personne des prisonniers, avait donné l'ordre à ses Canadiens de tirer par tous les moyens des mains des Sauvages, au moins, les femmes et enfants des Anglais. Il accueillit tous les rescapés qui furent conduits à Mobile, les fit héberger

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