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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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et nourrir en attendant l'arrivée d'un bateau. La veuve anglaise d'un soldat fut même autorisée à s'installer dans la colonie. En ce qui concerne les chefs des Chacta, qui avaient eu l'audace d'aller dresser leur tente en Caroline ou en Virginie, il se fit présenter leur scalp, en grande cérémonie, dans la meilleure tradition indienne. Ayant prodigué des réprimandes, proféré des menaces et distribué quelques cadeaux, Bienville considérait l'affaire terminée quand il apprit, incidemment, que La Mothe-Cadillac s'était rendu au pays des Illinois avec l'intention de dire au passage leur fait aux Natchez. La démarche était courageuse mais demandait un doigté et une dialectique que le gouverneur ne possédait pas. Les Natchez méritaient des égards particuliers, car ils formaient une nation policée qui avait ses traditions. Leur testament, qu'ils nommaient l'Ancienne Parole, révélait que leurs ancêtres s'étaient autrefois alliés aux hommes blancs, aux guerriers du feu, quand ceux-ci étaient venus « sur leurs villages flottants » envahir la région d'Anahuac. Ils croyaient au Grand Esprit, comptaient les jours de l'année à partir de l'équinoxe de printemps et donnaient aux mois des noms d'animaux ou de plantes utiles à l'homme. Leurs habitations passaient pour les mieux bâties, ils cultivaient leurs champs avec application et observaient des règles de vie en société ignorées de nombreuses tribus. Adorateurs du soleil, comme les Taensa, les Natchez conservaient, dans un temple, un feu perpétuel que des prêtres entretenaient sans défaillance.
    L'arrivée de La Mothe-Cadillac flatta les chefs de village et les inquiéta. Fiers, comme toujours, mais aussi un peu penauds d'avoir accueilli les rivaux des Français, ils prièrent le gouverneur d'oublier leurs fautes et l'invitèrent à fumer le calumet. Le Gascon, qui avait au moins autant d'orgueil qu'un Natchez, ignora la pipe au long tuyau et ne daigna pas prendre la repentance des Indiens en considération. Il accepta néanmoins des vivres et redescendit le Mississippi, par où il était venu, laissant les Natchez blessés par son mépris et certains que les Français se préparaient à faire la guerre à leur nation.
    Avant Bonaparte, les Indiens savaient que la meilleure défense est l'attaque. Les canots du gouverneur avaient à peine disparu dans une courbe du fleuve que les chefs de guerre, endoctrinés et gratifiés par les Anglais, invitaient leurs hommes à scalper tous les Français qu'ils rencontreraient sur leur territoire. Les guerriers mirent un certain temps pour passer à l'action, mais, au mois de janvier 1716, un missionnaire, le père Antoine Davion, vint raconter à Bienville que quatre Canadiens avaient été assassinés par les Natchez alors qu'ils se rendaient paisiblement au pays des Illinois. Le lieutenant reçut cette nouvelle tandis qu'il travaillait à la construction de grands canots pour remonter le Mississippi et accomplir la mission que venait de lui confier directement le roi : créer plusieurs établissements nouveaux sur le fleuve, à commencer par un fort chez les Natchez et un autre sur la rivière Ouabache. Le fort des Natchez serait nommé Rosalie, en l'honneur du quatrième enfant et première fille de M. de Pontchartrain, le fort de l'Ouabache s'appellerait Saint-Jérôme, patron du ministre de la Marine, depuis peu secrétaire d'État.
    Les crimes perpétrés par les Natchez constituaient un acte d'hostilité insupportable et ne pouvaient rester impunis, aussi Bienville demanda-t-il immédiatement au gouverneur de lui donner quatre-vingts hommes pour former une expédition et infliger aux assassins le châtiment qu'ils méritaient. La Mothe-Cadillac, qui craignait de se démunir des trois quarts de son effectif militaire, refusa et n'accorda au lieutenant du roi que la seule compagnie de M. de Richebourg, qui comptait trente-quatre hommes. Bienville fit observer que c'était fort peu pour conduire une guerre contre une nation capable d'aligner huit cents guerriers. Le gouverneur ne céda rien, en dépit des interventions de Duclos et des agents de Crozat. Bienville embarqua dans ses huit pirogues, servies par dix-huit matelots, avec la seule troupe qu'on lui eût accordée.
    Le capitaine Chavagne de Richebourg, qui prit part aux opérations, rapporta tous les détails de cette expédition guerrière.
    En arrivant chez les Tunica, à soixante-quinze kilomètres du territoire des Natchez,

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