Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
confirmée mais admise, de lieutenant du roi, de deux conseillers choisis parmi les notables, du procureur royal de la colonie et d'un greffier. La médiocrité du personnel disponible fit que l'on désigna comme procureur un homme qui savait à peine signer son nom, comme conseiller un chirurgien-major et comme greffier un simple soldat sachant lire et écrire. Si La Mothe-Cadillac occupa, d'emblée, le siège présidentiel, il se vit bientôt contraint de partager le pouvoir avec Duclos, ce qui ne tarda pas à susciter des conflits, non simplement de préséance mais aussi d'intérêt. De frictions en disputes, on en vint à une irrémédiable fâcherie entre les deux hommes. En tant que premier conseiller, le commissaire ordonnateur apparaissait, par le jeu de ses attributions, comme le personnage le plus influent du Conseil. Ses responsabilités couvraient la police, les finances, l'administration générale, les affaires civiles. Il assumait aussi la fonction de premier juge et prononçait les arrêts. Sa position était semblable en cela à celle des intendants de province, en France, à la même époque.
    Le Conseil détenait donc, par son intermédiaire, la totalité du pouvoir judiciaire. C'est lui qui décidait, en dernier ressort et sans appel, de tous les litiges privés et administratifs, de toutes les affaires civiles et criminelles, de toutes les contestations entre colons et des conflits qui pouvaient opposer ces derniers à l'administration. Il suffisait de l'accord de trois conseillers pour qu'un verdict soit rendu dans une affaire criminelle.
    Le Conseil supérieur allait avoir à connaître, au fil des années, de toute la vie de la colonie car il assumait aussi les fonctions notariales et l'état civil. Tous les notaires de la colonie devaient communication de leurs actes au Conseil. L'éthique et la jurisprudence de l'institution auraient dû être, d'après les directives du ministre de la Marine, « inspirées par la coutume de Paris », mais cette dernière, en traversant l'Atlantique, fut, nous en avons maintes preuves, édulcorée, interprétée, tempérée ou aggravée, mais toujours aménagée suivant les circonstances, les intérêts en jeu et la qualité des personnes en cause.
    En anticipant et pour donner quelques exemples de l'attention que prêtera le Conseil aux événements administratifs les plus mineurs, on le verra, le 22 octobre 1726, ordonner la vente de la maison abandonnée par un déserteur. Le 22 avril 1730, il décidera que les esclaves qui ne sont réclamés par personne après la mort de leurs maîtres doivent être remis au greffier du Conseil et qu'une peine corporelle et une amende de trois cents livres seront infligées à ceux qui conserveront indûment des esclaves sans propriétaire. De la même façon, le Conseil fixera, le 14 juin 1731, les droits que les geôliers, greffiers des geôles et guichetiers percevront sur les prisonniers pour : « vivres, denrées, gîtes, geôlages, extraits ou décharges ». Grâce au compte rendu de cette audience, nous savons aujourd'hui qu'un geôlier louisianais recevait « vingt sols pour chaque extrait d'écrou ou d'élargissement » qu'il délivrait !
    En face du Conseil supérieur, l'organisme créé à l'instigation d'Antoine Crozat allait, lui aussi, influencer la vie coloniale. L'existence de cette assemblée commerciale pouvait paraître justifiée par le fait que la Compagnie de Louisiane, devenue gestionnaire patentée, endossait à la place de la Couronne toutes les responsabilités financières de la colonie et, sauf pendant les neuf premières années du contrat, l'entretien des militaires. Le Conseil de commerce, présidé par le représentant de Crozat, directeur de la Compagnie, régentait à discrétion les transactions, fixait les salaires, embauchait commis et contrôleurs, décidait de la création de nouveaux établissements, recrutait des colons, attribuait des concessions et disposait d'un droit de veto sur les nominations au Conseil supérieur, ce qui lui permettait de s'assurer les meilleurs concours dans le gouvernement du pays. Si l'on avait coutume, à Paris, de suivre les avis du gouverneur quand il s'agissait de désigner les membres du Conseil supérieur, les agents de Crozat siégeant dans les deux conseils détenaient les moyens de contester les nominations et de faire respecter et exploiter au mieux le monopole accordé au financier.
    Tandis que les représentants de la Compagnie

Weitere Kostenlose Bücher