Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
Vom Netzwerk:
Depuis qu’il les avait présentés l’un à l’autre, Vincent ne voyait
     plus clair !
    — Ma sœur et moi, on n’a jamais été très proches. Elle a vécu à Paris
     longtemps, et moi, à Normandin, au lac Saint-Jean...
    Mathieu se tut. Normandin, le lac Saint-Jean... qu’ilavait fui
     tel un voleur… Il y pensait souvent de ce temps-ci, à Normandin et à la jeune
     fille qu’il avait laissée derrière lui... Il avait été tenté d’assister à la
     fête donnée en l’honneur de ses parents seulement dans l’espoir de la revoir.
     Normandin étant situé pas très loin du chalet de son parrain Henry, il aurait pu
     se rendre au village. Non, c’était sa vie d’avant. Jeanne-Ida était mariée
     maintenant. Il devait l’oublier. Pourquoi avait-il tout gâché avec elle ?
     Pourquoi était-il incapable de s’engager ?
    — Ah, voilà Dutrissac qui se pointe, dit Vincent.
    Appuyé sur la balustrade, il désigna du menton un homme sur le trottoir d’en
     face.
    Mathieu sortit de ses pensées.
    — Roland se fait un point d’honneur de toujours arriver le premier,
     dit-il.
    — Il n’y a rien d’honorable là-dedans, il se prend juste pour le nombril du
     monde. Regarde-le, je suis certain qu’il nous a vus, mais il fait comme si de
     rien n’était.
    Attendant que la voie se dégage pour la traverser, Roland Dutrissac affichait
     un air hautain, tenant son livre de poésie de façon désinvolte.
    — Dutrissac va ben te faire sa demande en mariage aujourd’hui, dit méchamment
     Vincent sans cacher son antipathie pour ce poète qui, manifestement, éprouvait
     pour Mathieu beaucoup plus que de l’amitié.
    — Très drôle, persifla Mathieu.
    — Comment tu fais pour l’endurer ? Il passe son temps à te mettre la main sur
     la cuisse ! marmonna Vincent.
    — Va donc te chercher une autre bière au lieu de dire des niaiseries.
    — La mienne est encore pleine !
    — Va rêvasser à Yvette, d’abord !
    — Je ne fais que ça… Tu as raison, Mathieu. Lui écrire des
     poèmes était stupide. Elle a dû rire de moi en les lisant… si elle les a lus.
     Mathieu, il faut que tu m’aides ! Je dois donner un grand coup !
    Mathieu secoua la tête.
    — Tu es véritablement amoureux d’elle... Écoute, Vincent, si Yvette vient à la
     réunion, je vais m’organiser pour vous laisser en tête à tête. Après ce sera à
     toi de jouer.

    Yvette se secoua et s’interdit de penser plus longuement à son passé. À
     Montréal, elle s’était reconstruit une vie. Elle ne roulait pas sur l’or, loin
     de là. Son travail de vendeuse dans un grand magasin de la rue Sainte-Catherine
     suffisait à peine pour régler le loyer et l’épicier. Mais c’était son argent,
     gagné, géré, dépensé par elle. L’indépendance… plus jamais elle n’allait se
     retrouver dépourvue, en attente d’un homme. Il fallait qu’elle se ressaisisse.
     Prendre l’air la calmerait. Elle pourrait se rendre chez Mathieu et assister à
     la réunion des poètes. Cette petite assemblée la divertirait. D’un autre côté,
     elle devrait endurer les regards appuyés et les attentions de Vincent. L’ami de
     son frère ne lui déplaisait pas. Au contraire, Vincent l’attirait. C’était bien
     la raison principale pour laquelle elle devait garder ses distances. Elle
     portait un si lourd secret. Elle ne voulait plus courir le risque de se faire
     blesser à nouveau. Elle se déciderait en chemin. Sur une table console ornée
     d’un miroir, elle prit son sac à main et ses clés. Elle ignora son reflet. Elle
     ne supportait pas son image. Elle se maquillait et se coiffait devant une glace,
     en se concentrant sur un endroit de son visage à la fois, les yeux, les
     sourcils, sans jamais regarder l’ensemble. Elle était untableau
     de Picasso auquel elle ajoutait un peu de couleur sur les joues et les lèvres...
     Le téléphone sonna. La main sur la poignée de la porte d’entrée, Yvette hésita.
     Avec un soupir, elle revint sur ses pas. Empruntant un ton enjoué, elle
     répondit :
    — Oui allo ? Ah, bonjour maman. J’étais... sortie. Il faisait trop chaud dans
     mon logement. Au chalet, sur le bord du lac, vous devez être au frais ! Oui
     maman, tout va très bien. Je voulais vous souhaiter un bel anniversaire de
     mariage. Je regrette tellement d’avoir raté la fête !

    — Je le savais qu’on aurait pas dû aller à la fête, bougonna Georges.
    Son épouse lui

Weitere Kostenlose Bücher