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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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la ruelle. Mathieu resta dans la même position. À part un petit
     sac de papier brun rempli de bâtons de réglisse, la remise était vide. Mathieu
     ferma les yeux. L’oiseau va chanter, l’oiseau va chanter… la douleur,
     l’effroi, si tu parles, je vais pleumer ta famille comme des lièvres, le
     feu, le feu de ses cauchemars, la peau qui tombe en lambeaux… Mathieu regarda
     son pantalon, il avait uriné dedans. Le silence revint dans la ruelle. La
     mésange s’était envolée. Mathieu se rappelait… Il se releva et rentra chez
     lui.

    Se demandant ce qui pouvait bien retarder Mathieu, Vincent se rendit à
     l’appentis. Nulle trace de son ami. Il scruta les alentours, rien. Soulevant la
     caisse, il attrapa une couple de bouteilles de bière, referma la remise et se
     dépêcha de retourner auprès de la belle Yvette, ravi que Mathieu ait eu labonne idée de s’éclipser afin de les laisser en tête à tête. Il
     lui revaudrait cela !
    — Mathieu est reparti. Il avait oublié quelque chose à faire, mentit-il en
     offrant une bière à Yvette.
    Elle haussa les épaules. Elle n’était guère surprise de l’attitude de son
     frère. Mathieu avait toujours eu un côté sauvageon.
    — J’ai pas de verre, par exemple, s’excusa Vincent.
    — Je suis capable de boire à même la bouteille comme un homme.
    Pour le prouver, elle porta le goulot à ses lèvres, releva la tête et avala une
     longue rasade. Du revers de la main, elle s’essuya la bouche en un geste
     provocateur. Vincent l’admira. Ses cheveux aux reflets roux, ses yeux, ses
     lèvres… qu’elle était belle ! Yvette se détourna de ce regard trop éloquent. En
     fouillant dans la pile de cahiers de musique, placée sur le dessus du piano,
     avec un petit cri de joie elle s’exclama :
    — Pas le Cahier de la Bonne Chanson ? Ma mère avait le même ! Je les connais
     toutes par cœur !
    Vincent déposa sa bière et s’installa au piano.
    — On va voir cela !
    Pendant l’heure qui suivit, Vincent et Yvette s’adonnèrent à un véritable duel
     musical. Le pianiste joua presque la totalité des pièces du cahier sans jamais
     prendre Yvette en défaut. Elle savait les paroles de chaque chanson. En riant,
     il abdiqua.
    — Tu es trop forte pour moi !
    Il y avait longtemps qu’Yvette ne s’était pas autant amusée.
    Assise à côté de Vincent, elle termina sa bière.
    — Tu chantes vraiment bien… lui dit-il. Lève-toi un peu, lui demanda-t-il en la
     poussant doucement de côté.
    Yvette obéit. Vincent souleva le couvercle à charnière dubanc
     de piano et fouilla dans le fond de celui-ci. Il en ressortit une grande
     enveloppe. À l’intérieur se trouvaient quelques-unes de ses œuvres originales.
     Il en choisit une et la déposa sur le lutrin du piano.
    — Elle n’a pas de titre encore… expliqua-t-il d’un air gêné. Nerveux, il se
     racla la gorge.
    — Chante avec moi, lui dit-il en jouant l’introduction.
    Yvette accepta. Déchiffrant avec difficulté l’écriture fine de l’auteur, elle
     butait parfois sur quelques mots. Après quelques mesures, elle s’enhardit.
     Vincent se tut, préférant n’entendre que la voix d’Yvette. Après que Vincent eut
     plaqué le dernier accord, ils restèrent tous les deux à savourer cet instant
     magique. Il venait de se passer quelque chose de singulier. Ils le
     savaient.
    — C’est toi qui l’as composée tout seul ?
    — Ça a l’air de te surprendre.
    — Un peu… C’est une grande chanson.
    — Parce que tu es une grande interprète. Tu rends un texte avec une telle
     émotion, une telle couleur… Yvette, tu es merveilleuse…
    Il se pencha vers elle et l’embrassa amoureusement. Yvette ne le repoussa pas.
     Il y avait si longtemps qu’un homme ne l’avait pas touchée.
    Quand Vincent la relâcha, c’est avec passion qu’il échafauda des plans
     d’avenir.
    — Yvette, on doit former une équipe. Ma musique a besoin de toi. Sinon, elle
     n’est rien. J’ai une dizaine de chansons de prêtes. On pourra ajuster quelques
     passages, modifier des paroles. Tu vas voir, on va se produire dans toutes les
     bonnes boîtes à chansons. L’année prochaine, qui sait, nous tiendrons l’affiche
     à Paris !
    Il la reprit dans ses bras.
    — Dis oui, épouse-moi…

    Henriette insista.
    — Dites oui, Georges… je cuisinerais un bon rosbif pis des patates
     pilées.
    Henriette désirait vraiment recevoir à souper Julianna

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