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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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vous rejoins, avait dit
     Henriette d’un ton ferme.
    George s’était dirigé vers la chambre et avait revêtu son pyjama pendant que
     les bruits de vaisselle résonnaient dans la pièce voisine. Il se sentait si
     nerveux. Il avait envie deboire. Tout à coup, il avait
     amèrement regretté cette folie de remariage. Il s’était vu annoncer à Henriette
     de tout oublier, de reprendre sa valise, de retourner vivre au presbytère.
     Jamais il n’avait tant appréhendé une nuit que celle de ses troisièmes noces. Il
     ne ressentait aucune passion, aucun désir… Allait-il être capable d’honorer sa
     femme ? Henriette, une vieille fille que jamais un homme n’avait touchée encore…
     Henriette était entrée dans la chambre. Dans une immense malle, ses effets
     personnels avaient été transportés. Elle en avait sorti sa chemise de nuit. Elle
     s’était dirigée vers la salle de bain pour l’enfiler. Sans tarder, elle était
     revenue. Elle avait troqué son chignon pour une natte. Elle avait suspendu avec
     soin son tailleur à un cintre de la garde-robe et avait rangé souliers et bas.
     Les mains croisées sur la poitrine, Georges était entré sous les draps. Il avait
     décidé de ne pas toucher à sa femme. Il se contenterait d’un baiser sur la joue
     et d’un souhait de bonne nuit. Henriette était venue ramasser ses vêtements à
     lui qu’il avait négligemment déposés sur le dossier de la chaise. En silence,
     elle les avait rangés à leur tour. Elle s’était assurée que le dessus de la
     commode était également à l’ordre. Satisfaite, elle s’était approchée du côté
     libre du lit. Au lieu d’y prendre place, elle avait dit :
    — Notre prière, Georges. Nous ne l’avons pas faite.
    Elle s’était mise à genoux, lui enjoignant de l’imiter. Elle avait fait son
     signe de croix.
    — Seigneur, merci pour cette belle journée et ce bon repas. Protégez mon mari
     et faites de moi une bonne épouse. Ainsi soit-il.
    Ils s’étaient relevés et s’étaient étendus côte à côte. George avait éteint la
     lampe de chevet, bien décidé à tenir sa résolution. Quelle étrangeté de sentir
     un corps chaud àcôté du sien ; un corps de femme… à ses côtés ;
     une peau douce, surtout à l’intérieur des cuisses. Avec un grognement sourd, il
     s’était couché de tout son long sur Henriette. Elle ne l’avait pas repoussé.
     Elle attendait, soumise. Il n’avait pas été long à la pénétrer. Au fur et à
     mesure que le plaisir montait en lui et qu’il accélérait la cadence, les visages
     de Marguerite, de Rolande se superposaient. Il avait entendu de nouveau leur
     rire, leur soupir. Il s’était arrêté, suspendant son arrivée à la jouissance. Il
     avait revu ses enfants, leurs jeux, leurs bêtises. Ses enfants… le feu, la mort…
     Il n’avait plus d’érection. Il avait regardé Henriette, ne sachant comment agir.
     Submergé par une soudaine et incontrôlable vague de détresse, il s’était
     recroquevillé sur le côté. Georges avait sangloté, marmonnant le nom des
     disparus.
    — Ma Rolande, mes enfants... non...
    Henriette était restée les yeux rivés au plafond, refoulant sa propre envie de
     pleurer. Après un moment, quand les pleurs de son mari furent calmés, elle avait
     pris dans sa manche un mouchoir et le lui avait tendu.
    Georges s’était redressé. D’une petite voix, il s’était adressé à sa nouvelle
     épouse.
    — Je voulais pas... me laisser aller de même.
    Henriette avait répliqué d’un ton presque désabusé :
    — Je vous l’ai déjà dit Georges, même le ciel pleure parfois...
    — Peut-être, mais pas quand c’est jour de noces ! s’était-il exclamé en se
     forçant à la bonne humeur. Astheure, j’vas vous montrer que le bonhomme Gagné
     est encore capable ! avait-il fait en se recouchant sur sa femme.
    Cette fois, il avait été jusqu’au bout et depuis cette première nuit, il lui
     prouvait sa virilité régulièrement, le samedi soir ou le dimanche après-midi, à
     l’heure de la sieste.
    — Georges, vous allez bien ? Vous avez pris trop de soleil au
     chalet de monsieur Henry. Un coup de chaleur, c’est dangereux. Je vous avais dit
     de garder votre chapeau.
    Georges sortit de ses pensées et rassura sa femme.
    — Voyons Henriette, j’étais juste dans la lune.
    — Demain matin, je vais téléphoner chez Julianna pour l’invitation à
     souper.
    Son mari resta

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