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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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était
     venue tambouriner dans la fenêtre. Henriette avait regardé la pluie tomber avant
     de revenir scruter le visage de Georges. Elle s’était penchée vers lui.
    — Même le ciel pleure parfois, monsieur Georges…
    — Hein ? Que c’est vous voulez dire ?
    — Quand il pleut, on dit que le petit Jésus pleure... Alors si Lui le fait,
     pourquoi pas vous ?
    Georges s’était muré dans un silence presque boudeur. Henriette s’était
     redressée. Reprenant son air distant, elle avait demandé :
    — Pis la seule survivante du feu, c’est Hélène, votre fille née du deuxième
     lit.
    Georges avait tressailli. Il regrettait d’être venu. Pourquoi remuer son
     passé ? Hélène… le portrait craché de Rolande, la même chevelure noire, la même
     timidité. Hélène, une infirme elle aussi, une boiteuse… Le diable avait marqué
     sa descendance.
    Henriette avait lu la détresse dans ses yeux. Elle avait voulu le
     rassurer.
    — Si j’accepte de vous marier, je serai une bonne maman pour vos enfants.
    Quelle dérision ! Il lui offrait de l’épouser pour avoir une compagne, pour
     prendre soin de lui. Il n’était pas question de maternité là-dedans !
    — Mon fils pis moi, on est brouillés. Pis Hélène, ben, je la connais pas,
     avait-il répliqué avec brusquerie.
    La ménagère avait pincé les lèvres de désapprobation.
    — Une famille se doit d’être unie, avait-elle décrété.
    — Y est trop tard pour la mienne.
    — Je n’accepte pas la discorde.
    En colère, Georges s’était levé. C’en était trop ! Il y avaitdes limites qu’il n’était pas prêt à franchir, même au prix d’une
     épouse !
    — Je suis pas un homme commode, vous savez. Vous êtes mieux de rester prendre
     soin de votre curé.
    Henriette avait blêmi. Elle ne voulait pas rater cette chance de se mettre à
     l’abri pour ses vieux jours. Ici, qui pouvait lui jurer qu’on ne la remercierait
     pas de ses services pour la remplacer par une plus jeune ? Elle était fatiguée
     de voir à tout dans cet immense presbytère. En même temps, elle se devait d’être
     prudente et de ne pas s’engager dans une vie de misère. Rapidement, elle avait
     réfléchi.
    — Allons, Georges, rassoyez-vous, on va trouver une entente, c’est ben
     certain.
    Tant qu’Henriette ne lui parlait plus jamais de Jean-Marie, Georges avait
     accepté de recevoir le reste de sa famille autant de fois qu’elle le voudrait.
     Le mariage avait eu lieu.
    — Alors, Georges, c’est oui pour dimanche prochain ? J’invite Julianna, son
     mari pis votre fille Hélène ?
    Il abdiqua.
    — Un rosbif, c’est toujours bon… en famille.
    Henriette sourit de satisfaction.
    — Le souper va être prêt dans trois quarts d’heure environ, dit-elle. On est
     revenus un peu tard du lac.
    — Bateau, le chalet d’Henry est pas à la porte d’à côté !
    — Je vous reproche rien, Georges ! C’était juste pour vous avertir que vous
     aviez le temps de faire votre sieste.
    Henriette resta sur le pas de la porte du salon. Georges la regarda et comprit.
     Son épouse attendait sa décision. Non pas à savoir s’il allait siester — Georges
     ratait rarement cet instant de repos —, mais plutôt s’il désirait le faire seul
     ou... ne pas dormir. Il prit une autre gorgée de café et réfléchit.Sentait-il, dans le bas de ses reins, le besoin de se
     décharger ? Patiente, sans trace d’émotion, Henriette attendait, les mains
     sagement nouées sur son tablier qui protégeait sa robe du dimanche.
    Ils s’étaient épousés dans l’intimité. Henriette n’avait pas de famille proche.
     Seule une lointaine cousine s’était déplacée. Du côté de Georges, Julianna et
     François-Xavier avaient été invités. Mais ce ne fut pas ce dernier qui servit de
     témoin. Georges avait préféré demander à un collègue de travail. Hélène n’avait
     pas été de la partie. Elle était souffrante cet été-là et devait rester alitée.
     Quant à son fils Jean-Marie, il n’avait même pas été question de sa venue.
     Célébrée par le curé de Jonquière, la cérémonie avait été brève et sobre. Le
     seul élément floral que l’on pouvait trouver était deux roses blanches nouées à
     de longs rubans ivoire déposées sur une bible qu’Henriette portait en guise de
     bouquet nuptial. Pour le repas de noce, Georges avait proposé de se rendre au
     restaurant. Henriette s’était fermement

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