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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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d’un bain chaud, d’enlever cette poussière qui lui
     entrait par le nez, cette pluie collante qui rendait sa peau toute poisse !
     C’était le pays du vent. Pas moyen de rester coiffée ! Ils avaient dormi dans
     des chambres si minables. De plus, elle détestait le poisson. Et c’était tout
     juste s’ils n’en servaient pas au déjeuner dans cette région reculée ! Dieu
     qu’elle regrettait ce voyage ! se disait-elle en refermant d’un coup sec son
     poudrier. À nouveau, elle regarda son mari. La pluie diminuait. Soudain, elle
     s’inquiétaqu’il attrape une mauvaise grippe. Un serrement au
     cœur la prit en l’imaginant malade, ou pire, à l’article de la mort. Elle se
     traita de vieille folle. Les sentiments qu’elle éprouvait pour François-Xavier
     étaient forts mais si complexes... Son mari l’énervait, la décevait,
     l’irritait... En même temps, au plus profond d’elle-même, l’amour qu’elle
     ressentait pour lui la grisait, la troublait, la dominait. C’était à n’y rien
     comprendre. Bon, ils n’allaient toujours bien pas passer le reste de la journée
     ici ! D’après leur carte routière, ils étaient presque rendus à
     L’Anse-à-Beaufils. François-Xavier pourrait marcher jusqu’au village de Pierre.
     Ah non, cela impliquerait de la laisser toute seule, isolée... à la merci du
     moindre danger… Elle s’étira vers la portière du conducteur, attrapa la
     manivelle, la tourna vigoureusement afin de descendre la fenêtre et cria :
    — François-Xavier, j’suis tannée là, reviens !
    À son appel, son mari se retourna. François-Xavier soupira. Il devait trouver
     une solution. Personne ne semblait disposé à sortir par ce mauvais temps, ou
     quoi ? Où étaient les touristes qui s’étaient agglutinés devant le rocher
     Percé ? Déçus de deviner à peine une silhouette informe derrière un rideau de
     pluie, ils avaient tous fait demi-tour ? Maudit voyage de fou ! Deux crevaisons,
     sa voiture sale comme une soue à cochons, des brûlements d’estomac à force de
     manger à la hâte, un mal de tête lancinant, la fatigue de conduire pendant de
     longues heures… et la vision de sa femme dans les bras d’Yves. Il devait oublier
     ces images. Il était convaincu que Julianna disait la vérité et qu’il n’y avait
     rien eu entre son patron et elle. Rien d’irréparable en tout cas... Il lui
     fallait reconquérir Julianna. Mais comment surmonter cette colère, cette
     jalousie, cette rancœur qui le terrassaient ? D’un coup de pied, il envoya
     valser quelques cailloux degrèves. Cela lui donna une idée. Il
     retira sa veste et, s’en servant comme baluchon, la remplit de pierres.
     Transportant le tout, il vint vider son chargement sous la roue qui posait
     problème. Puis, ouvrant la portière du côté passager, il ordonna à sa femme de
     se déplacer sur le siège du conducteur.
    — Pis cette fois, tu défonces pas la pédale comme une pas de génie, t’as-tu compris ?
    Julianna ne broncha pas. Immobile, elle fit la sourde oreille.
    — Va prendre le volant ! s’écria François-Xavier.
    Entre les dents, Julianna murmura :
    — Non.
    — Comment ça, non ?
    — Non, c’est tout !
    — Julianna, je peux pas être à deux places en même temps !
    — Mais oui, voyons ! Toi, tu as assez de génie pour réussir ça...
    — Julianna, va mettre en marche ce maudit moteur ! Pis avec ton petit pied, tu
     vas dou-ce-ment donner un peu de gaz !
    — Non !
    — Ben va pousser d’abord, cria François-Xavier en sortant de force sa femme de
     l’automobile.
    Surprise, Julianna n’eut pas vraiment le temps de se débattre que son mari
     avait déjà claqué violemment la portière derrière elle. D’un air de défi, elle
     alla s’arc-bouter sur le pare-choc arrière.
    « Et puis tant pis, elle l’aura voulu ! » se dit François-Xavier en allant
     tourner la clé de contact.
    Prenant le levier de vitesse, il le mit en position de marche. Il rectifia son
     rétroviseur afin d’apercevoir Julianna.Par la fenêtre déjà
     ouverte, il cria :
    — Quand je dirai go, tu pousses de toutes tes forces !
    Julianna serra les dents, ancra dans la boue les talons de ses belles
     chaussures neuves achetées pour Pâques dernier, et se prépara à donner la
     poussée la plus incroyable qu’une femme de cinquante-cinq ans puisse
     offrir.
    — Attention, Julianna, pousse ! dit François-Xavier en

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