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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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à son neveu.
    — C’est ben gentil, mais il faut que j’m’en retourne à Normandin, avait refusé
     Jean-Marie.
    — Tu reviens nous voir, d’abord ? Pis t’emmènes Jeanne-Ida pis ton petit
     Bernard.
    — Quand le deuxième va être né, c’est promis, mononcle.
    François-Xavier avait continué son chemin. Sans un mot, Georges lui avait
     emboîté le pas. Jean-Marie les avait suivis des yeux. Redressant les épaules, il
     s’était dirigé vers la fosse rendre un dernier hommage à son défunt cousin. Nul
     doute qu’à son décès, il n’aurait pas de père, lui, pour pleurer sur sa
     tombe…

    Malgré le temps froid, Mélanie ouvrit les fenêtres du logement. Le nombre élevé
     de convives dégageait trop de chaleur, sans parler de la fumée de cigarette.
     Elle était éreintée. Levée à l’aube, elle avait cuisiné à l’avance la plupart
     des plats du buffet offert pour les funérailles de Zoel. Pourtant, elle avait
     refusé l’aide des autres femmes. Elle maîtrisait la situation. Surtout, elle
     désirait avoir un peu de solitude. Du coin de l’œil, elle surveillait Timmy.
     Elle s’était demandé s’il saurait se comporter adéquatement pendant ces journées
     de deuil, inquiète qu’il commette un quelconque impair. Une fois de plus, Timmy
     l’avait étonnée. Silencieux, prévenant, il se faisait discret. Au salon
     funéraire, il était resté assis bien sagement sur une chaise pendant de longues
     heures. Il priait avec les gens, il pleurait avec Julianna… il riait avec
     Dominique. Ensemble, ils étaient en train de dessiner tranquillement dans un
     coin de la cuisine. Pour Timmy, tout semblait se dérouler au moment présent.
     Mélanie retourna ouvrir le four, vérifier la cuisson de ses pâtés. Pierre vint
     chercher un verre d’eau pour sa mère.
    — C’était quoi le gros bruit dans la chambre ? demanda-t-elle.
    — Papa qui se serait enfargé dans un meuble.
    — Méchant bruit pour si peu…
    Pierre haussa les épaules. D’une tendre caresse, il indiqua à sa femme qu’il
     lui savait gré de tout ce qu’elle faisait dans la cuisine. Il lui fit un petit
     sourire fatigué. Il manquait de sommeil, ayant parlé très tard dans la nuit avec
     ses frères et sa sœur Yvette. Il était étrange de se retrouver ensemble, tous
     devenus adultes, réunis par le chagrin. Ils s’étaient éloignés les uns des
     autres, mais Pierre ressentait avec une profonde conviction que l’un de la
     fratrie n’avait qu’à demander de l’aide pour que tous la lui accordent sans
     hésitation. C’était cet inestimable cadeau que Pierre espérait tant offrir à
     Dominique en désirant un deuxième enfant… Il retourna au salon et tendit le
     verre d’eau à sa mère. Assise sur le divan, Julianna remercia du bout des lèvres
     son fils Pierre. Les médicaments que le docteur lui avait prescrits lui
     rendaient la gorge sèche. À sa gauche, Henriette était silencieuse. Julianna lui
     tapota amicalement le bras, lui signifiant ainsi qu’elle appréciait son
     dévouement et sa compassion envers elle. Henriette était rassurante, d’un calme
     efficace, sachant gérer la mort et les conséquences de celle-ci. À sa droite,
     Isabelle lui était tout aussi précieuse. La femme d’Henry pleurait de concert
     avec elle, partageait son anéantissement, enlevant toute honte à ces crises de
     larmes qui la submergeaient. Les deux femmes la protégeaient des trop
     nombreux :
    « Il faut être forte, madame Rousseau. Faut pas se laisser aller, madame
     Rousseau, Il vous reste plein d’autres fils, madame Rousseau… »
    Quand la voisine lui avait fait cette dernière remarque, Julianna s’était
     retenue pour ne pas lui sauter au visage. Comme si un enfant n’était pas
     unique ! Regroupée surl’autre divan, sa progéniture s’épaulait.
     Julianna les aimait tant. Ils étaient beaux à voir, tout endimanchés, sérieux…
     Passant par la fenêtre, un rayon de soleil jouait dans leurs cheveux aux reflets
     roux. Soudain, elle le jurera longtemps, son fils Zoel était là, assis avec ses
     frères, souriant. Il plongea son regard dans celui de sa mère, un regard
     apaisant. Il lui demandait de prendre soin de ceux qui restaient... Son mari
     entra dans le salon.
    — Tu m’as pas apporté mon mouchoir ?
    François-Xavier l’avait oublié. Dans le cendrier sur pied, il écrasa le mégot
     de sa cigarette. Autour de lui, debout, les convives tenaient

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