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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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pas entendu son
     beau-frère s’approcher. Georges s’était agenouillé à ses côtés et pendant
     quelques secondes, avait prié à la mémoire de son neveu. Les mains jointes,
     François-Xavier avait senti un tremblement intérieur le prendre. Soudain, le
     sang lui bourdonnait aux oreilles. Sesépaules avaient ployé.
     Avec douceur, tel un papillon se posant sur une brindille, Georges avait
     recouvert des siennes les mains de François-Xavier. Sans trop comprendre,
     celui-ci avait perçu une étrange chaleur se transmettre à travers sa peau, et
     remonter le long de son bras pour aller le réchauffer jusqu’au fond de l’âme.
     Georges avait murmuré :
    — Je suis là...
    François-Xavier s’était détendu. Il avait fermé les yeux de reconnaissance.
     Georges n’avait pas brisé sa promesse. Pendant ces trois longues journées
     éprouvantes, il avait été son ange gardien, son protecteur. Si François-Xavier
     croisait le regard de son ami, c’était pour y une lire une réelle compassion,
     sans exagération, sans rien demander en retour. La plupart des personnes
     présentes étaient si maladroites à exprimer leurs émotions. Parfois, il avait eu
     l’impression que ces gens venaient chercher son approbation.
    « Vois comment je suis triste. Est-ce assez ? »
    Quand ce n’était pas l’attente de sa consolation.
    « Dis-moi que c’est pas vrai ? Pas si jeune ! J’ai pas dormi de la nuit en
     pensant à lui... »
    Quand on avait fermé le cercueil, ce dernier adieu fut déchirant.
     François-Xavier avait eu envie d’immédiatement le rouvrir. Son fils allait
     manquer d’air, il était trop à l’étroit, trop dans le noir ! La main de Georges
     s’était posée sur son épaule. À nouveau, la chaleur qui s’en était dégagée
     l’avait calmé. Cérémonieusement, le cortège s’était mis en route vers l’église.
     Pierre et Yvette soutenaient leur mère. Les autres enfants suivaient, regroupés
     derrière eux. Mélanie portait Dominique et tenait Timmy par la main. Gertrude
     avait laissé son nourrisson à la bonne garde de la grand-mère maternelle. Léo et
     Hélène ne se quittaient pas. Des amis, des voisins, tous réunis pour dire adieu
     à Zoel. L’air froid de l’automne leur fouettait le visage. Des
     passants leur jetaient des regards curieux, essayant de reconnaître des membres
     de la famille éplorée. Certains s’arrêtaient carrément et les fixaient, semblant
     assister à un spectacle gratuit, jaugeant le degré de leur douleur, guettant une
     scène déchirante, un détail bouleversant à rapporter impudiquement à la maison.
     François-Xavier avait serré les mâchoires. Il avait eu envie de hurler, de
     ramasser un caillou et de le leur lancer à la figure ! Jamais les paliers menant
     à la cathédrale ne lui avaient paru aussi gigantesques. Sur le parvis,
     tétanisés, les pieds de François-Xavier refusaient d’avancer et de pénétrer dans
     l’église. On en attendait trop de lui ! Le père de famille devait donner
     l’exemple. Il ne pouvait s’écrouler... Georges avait été à ses côtés et l’avait
     guidé. La cérémonie s’était déroulée comme dans un brouillard. Le troupeau en
     larmes avait repris le chemin inverse en direction du cimetière cette fois.
     François-Xavier détestait ce rituel, ces trous dans la terre, sombres, froids,
     des puits d’horreur… comme celui dans lequel son père adoptif avait laissé sa
     vie… Le prêtre leur assurait que Zoel montait au ciel ; pourtant, c’est à une
     descente aux enfers qu’on les conviait. La mise en terre terminée, c’est dans un
     silence pesant que tout le monde avait attendu que les proches du défunt se
     détournent du cercueil, donnant ainsi le signal du départ. François-Xavier avait
     hésité. Ce serait fini après. Les fossoyeurs se mettraient à l’œuvre et, de
     coups de pelle en coups de pelle, ils enfouiraient à jamais toutes traces
     physiques de son fils. Zoel deviendrait un cher disparu… Il pouvait
     encore le refuser, descendre dans ce trou, s’arracher les ongles à rouvrir le
     couvercle de bois, défaire les mains jointes sur un chapelet et les placer
     autour de son cou. Son fils s’y accrocherait, comme lorsqu’il était enfant et
     que François-Xavier leremettait au lit pour la cinquième fois.
     Désobéissant, Zoel se relevait pour venir écornifler. Ce joyeux fils ne
     craignait rien, surtout pas la voix bourrue

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