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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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Sa femme
     Mélanie était assise sur ses genoux. Manifestement, malgré la perte de Zoel,
     Pierre était heureux. Mathieu tourna les talons. Le bonheur du couple lui
     faisait mal et lui rappelait trop celui qu’il aurait pu avoir avec Jeanne-Ida et
     qu’il avait laissé s’échapper… Il se promit qu’une bonne fois, dans une réunion
     de famille prochaine, lui aussi aurait sa femme assise sur ses genoux. Il longea
     le corridor, prit son manteau etaprès un : « J’vais prendre une
     marche ! », il se précipita dehors. Julianna suivit des yeux son fils.
    — Arrêtez de vous en faire pour Mathieu, lui dit Yvette. On se voit souvent lui
     pis moi. Il va bien. Il s’implique dans plein de choses. Et cette Annette lui a
     vraiment tourné la tête.
    — Pis Adélard, il te donne pas de trop de misère ?
    — C’est pas lui qui se ramasse le plus…
    — Ah, les hommes. Il va falloir que les temps changent. Un jour, ils porteront
     le tablier à la place des femmes !
    — Vous rêvez en couleurs, maman.
    — Peut-être… Il suit bien les ordres du docteur ?
    — Oui, il va beaucoup mieux. Il a repris des couleurs.
    — Tu vas devoir en prendre encore plus soin, Yvette. Le départ de Zoel est un
     gros morceau pour lui. Ils étaient comme des jumeaux, ces deux-là.
    — Je sais, maman.
    — Yvette, tu es ma seule fille, à part Laura, mais tu vois ce que je veux dire.
     Je sais qu’entre nous deux, ç’a souvent été orageux…
    — J’me rends bien compte, maman, que j’avais tout un caractère.
    — Toutes les jeunes filles de Roberval rêvaient de mariage, toi c’était de
     chanter. Comme moi avant que je rencontre ton père… pis j’ai eu des enfants. Toi
     et Vincent, parlez-vous de mariage ?
    Comment ne pas choquer sa mère ? Yvette préféra mentir.
    — Vincent est juste mon pianiste et un bon ami, maman.
    — Ah, pourtant, à la façon dont tu m’en parlais… je croyais…
    — Y a pas que le mariage dans la vie, maman.
    — Ma belle grande fille… Ne passe pas à côté des joies dela
     maternité. Si tu savais comment avoir un enfant est merveilleux…
    Julianna laissa couler ses larmes.
    Yvette trembla. Elle mit sa tête sur les genoux de sa mère et sanglota avec
     elle. Elle aurait tant aimé lui avouer l’existence de Jean !
    — Maman…
    Julianna lui caressa les cheveux.
    — On va pleurer tout notre saoul pis après, on va reprendre le dessus. On a
     toujours fait face à ce qui nous arrivait.

    La voiture roula lentement le long de la rue Saint-Cyrille, le conducteur
     déchiffrant un à un les numéros de porte. Trouvant celui correspondant à
     l’adresse inscrite sur son bout de papier, il se rangea sur le bord de la route.
     Avant de manquer de courage et de rebrousser chemin, il s’extirpa du véhicule.
     La maison était coquette, arborant une arche arrondie. Deux portes accueillaient
     les visiteurs, une en façade et l’autre sur le côté. Ce fut cette dernière que
     l’homme choisit. Il gravit les quelques marches y menant et y frappa trois bons
     coups. Il redressa les épaules, masqua sa nervosité sous un air distant, et se
     prépara à toutes éventualités. Peut-être n’y aurait-il tout simplement pas de
     réponse ? Fermant son esprit au doute, il patienta. Jamais celui qui ouvrit la
     porte ne se serait attendu à cette apparition. L’expression d’étonnement sur son
     visage fut immense.
    — Papa ? fit-il.
    — Bonjour… Jean-Marie.

T ROISIÈME PARTIE
    J
ulianna s’installa
     confortablement dans la bergère de tissu fleuri et admira la couronne de Noël
     qui ornait l’immense cheminée de pierres. Le salon avait un plafond cathédral
     tout recouvert de planchettes de pin, et le sapin qui y trônait devait mesurer
     presque treize pieds de hauteur.
    Tout était grandiose dans le nouveau chalet d’Henry. François-Xavier avait
     conçu un magnifique plan.
    — J’en reviens pas comment c’est beau ! dit-elle.
    — Ton mari pis Jean-Baptiste nous ont construit une bien belle demeure...
    Juchée sur un escabeau, Isabelle terminait d’enlever les derniers ornements de
     l’arbre. Une boîte à la main, attendant de recevoir l’ange et quelques boules,
     Hélène était perdue dans ses pensées.
    Julianna reprit :
    — Tout meublé en neuf en plus, chanceuse de chanceuse.
    — Henry désirait ce qu’il y a de mieux. Tu veux que je te dise, Julianna, je
     préférais presque l’ancien

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