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Aux armes, citoyens !

Aux armes, citoyens !

Titel: Aux armes, citoyens ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Lucile.
    « Apprends, Camille, lui a-t-il dit, que si tu n’étais
pas Camille on ne pourrait avoir autant d’indulgence pour toi. »
    Et à la tribune des Jacobins, Robespierre, brandissant les
numéros du Vieux Cordelier, a ajouté que l’on ne pouvait avoir que « du
mépris pour les blasphèmes que contiennent ces numéros ».
    Mais, protecteur et hautain, il a poursuivi : « Desmoulins
n’est qu’un enfant étourdi, dont il faut exiger qu’il prouve son repentir de
toutes ces étourderies en quittant ces compagnies qui l’ont perdu. »
    Qui vise Robespierre ? Danton ? Fabre d’Églantine
ce corrompu, ce fripon, qu’on ne voit jamais « que la lorgnette à la main
et qui sait si bien exposer les intrigues au théâtre » ?
    Fabre est arrêté, impliqué dans les affaires ténébreuses de
la Compagnie des Indes.
    Et Billaud-Varenne a lancé, le bras tendu vers Danton et
Desmoulins : « Malheur à celui qui a siégé aux côtés de Fabre d’Églantine. »
    Desmoulins doit donc, ajoute Robespierre, après l’arrestation
de Fabre, reconnaître ses erreurs.
    « Il faut brûler les numéros du Vieux Cordelier au milieu de la salle », conclut-il.
    Camille Desmoulins ne baisse pas la tête, défie du regard
Maximilien et lance :
    « Brûler n’est pas répondre. »
    Ces mots ont souffleté Maximilien.
    L’Incorruptible s’agrippe à la tribune comme si on venait de
le frapper, de le faire chanceler. Et sa réponse est impitoyable, menaçante :
    « Puisque Desmoulins le veut, qu’il soit couvert d’ignominie !
L’homme qui tient si fortement à des écrits si perfides est peut-être plus qu’égaré. »
     
    Mais cette « répudiation » de Desmoulins par
Robespierre ne suffit pas aux Cordeliers.
    Le fanatisme politique se nourrit aussi des haines et des
passions personnelles, de l’atmosphère des réunions du club des Jacobins ou du
club des Cordeliers. De l’exaltation nerveuse qui depuis 1789, près de cinq
années maintenant, tend chacun des acteurs comme une corde prête à se rompre.
    « N’oubliez jamais, Cordeliers, s’écrie Hébert, que c’est
pendant le calme que la foudre se prépare. On nous a peint Camille Desmoulins
comme un enfant… Citoyens, défiez-vous des endormeurs et soyez toujours
l’avant-garde courageuse, la sentinelle fidèle de la Révolution. On vous dit
que les brissotins sont anéantis et il reste encore soixante et un coupables à
punir… Que l’armée révolutionnaire marche, la guillotine en avant, et je vous réponds
de l’abondance. »
    Il suffirait donc de continuer à faire rouler de plus en
plus de têtes dans le sac pour que cesse la disette, que les fournées de pain s’entassent
dans les boulangeries.
    Et ceux qui ne partagent pas ce point de vue sont des « endormeurs »
et une fois encore Maximilien Robespierre est ulcéré qu’on le nomme ainsi, qu’on
l’accuse d’être un « ambitieux ».
     
    Il se cabre devant ce qu’il ressent comme une injustice, d’abord
contre lui-même mais aussi contre la politique des Comités et celle de la Convention.
    Comment oublier les victoires aux frontières, en Vendée, la
réduction des villes rebelles, les décrets votés par les conventionnels, instituant
l’enseignement primaire, obligatoire et gratuit, s’opposant au « vandalisme »
– le mot est inventé par l’abbé Grégoire – qui, au nom de la lutte contre le
fanatisme, détruit les archives, les statues, dégrade les monuments, saccage
ainsi le patrimoine de la nation ?
    Comment oublier que la Convention vient de décréter l’abolition
de l’esclavage dans les colonies françaises, sans indemnisation des propriétaires ?
    Il faut défendre contre les ultras, contre les Indulgents, la
politique des Comités de la Convention, la seule possible.
    Robespierre monte à la tribune de la Convention, le 5
février 1794 (17 pluviôse an II).
    Sa voix est celle d’un prédicateur qui évoque la « justice
éternelle » gravée dans le cœur de tous les hommes.
    « Nous voulons, dit-il, substituer dans notre pays la
morale à l’égoïsme, la probité à l’honneur, les principes aux usages, les
devoirs aux bienséances, l’empire de la raison à la tyrannie de la mode, le
mépris du vice au mépris du malheur, la fierté à l’insolence, la grandeur d’âme
à la vanité, l’amour de la gloire à l’amour de l’argent, les bonnes gens à la
bonne compagnie, le mérite à l’intrigue, le génie au

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