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Aux armes, citoyens !

Aux armes, citoyens !

Titel: Aux armes, citoyens ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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jamais il n’y a eu autant de bras qui ne savent comment s’employer.
Le travail est rare.
    Le 6 décembre, le Comité de salut public décide que la
République n’emploie plus d’ouvriers à la journée. Et dans les jours qui
suivent, on en licencie un grand nombre. On les invite à quitter Paris, à aller
chercher du travail dans les départements. Le 12 décembre, ils protestent
contre ces décisions. Mais le Comité de salut public ne cède pas. Les
manifestants sont d’ailleurs peu nombreux, plus accablés et désespérés que
résolus.
    Ils vont grossir les rangs des indigents, de ceux qui quand
une patrouille lance, la nuit, un « Qui vive ? » répondent « Ventre
creux ».
     
    Ces mots sont ceux de l’impuissance, du scepticisme, du
désespoir.
    « L’opinion publique flotte incertaine sur bien des
choses et des gens », écrit le témoin avisé et réfléchi qu’est le libraire
Ruault. Le désarroi, dit-il, ne frappe pas seulement les humbles, voués à la
disette et à l’indigence, mais aussi les patriotes éclairés et qui ont du bien.
    Trop de sang versé. Trop de luttes à mort entre
révolutionnaires, et la question qui dès lors hante bien des citoyens :
    « Faut-il aimer ou trahir le jacobinisme ? Le
jacobinisme a-t-il été utile ou nuisible à l’établissement de la République ?
Voilà la discussion à l’ordre du jour et qui fait fermenter toutes les têtes d’un
bout de la France à l’autre. Il paraît certain, néanmoins, que la République a
été fondée par les Jacobins, ceux qui aiment cette nature de gouvernement ne
doivent donc point les détester. »
    Mais entre les Jacobins, il faut choisir.
    « Quoi qu’il en soit, poursuit Ruault, les vrais
républicains ne donneront aucun regret à Robespierre… Il était lâche, il se
cachait dans le danger, il trahissait, il livrait, il abandonnait ses amis. Robespierre
était ambitieux, jaloux, vindicatif dans le genre bas et odieux… Il n’en est
pas ainsi de Georges Danton, le contraire en tout de Maximilien Robespierre, Danton
n’était pas un homme ordinaire, avec son éloquence colossale… Danton doit être
en horreur aux royalistes mais je parle ici en républicain… »
    Mais l’an III, et dès ces premiers mois de vendémiaire et de
frimaire, n’est pas favorable aux opinions mesurées, ni à la juste appréciation
du rôle des Jacobins.
    Dans les rues, les muscadins et leur gourdin plombé -« rosse-gredin »
– font la chasse aux Jacobins, aux « crétois » -la crête de la
Montagne – à la « queue de Robespierre » et même aux « crapauds
du Marais ».
    Les journaux antijacobins se multiplient, et la fortune de
Thérésa Cabarrus les finance. Leurs articles comme les innombrables pamphlets
accablent ceux des conventionnels qui, bien qu’ayant contribué à la chute de
Robespierre, continuent de se dire jacobins, montagnards, patriotes
républicains.
    Alors on écrit que Barère, « plat et dégoûtant », porte
des bottes de cuir humain, tanné à Meudon !
    Que Billaud-Varenne est un « tigre » qu’il faut
dépecer ! Les Jacobins, les sans-culottes n’ont-ils pas, en septembre 1792,
mangé les cœurs des victimes des massacres, cuits sur le gril ?
    Collot d’Herbois est « sépulcral ».
    Carrier n’est qu’un « aquatique », qui toute sa
vie n’aura fait de bien qu’aux poissons de la Loire en leur offrant des
condamnés, voués à la noyade.
    « Donnez-nous ces têtes, ou bien prenez les nôtres »,
conclut un libelle.
     
    La Jeunesse dorée, Tallien et Fréron, se repaissent de ces
propos, de ces désirs de vengeance qu’ils suscitent et entretiennent. Ils se
rassemblent dans les cafés du Palais-Royal ou encore dans les bals les plus
inattendus.
    On danse au cimetière Saint-Sulpice où, à l’entrée, un
transparent rose, marqué « Bal des Zéphyrs », surmonte une tête de
mort et deux os en sautoir gravés dans la pierre. Les couples virevoltent sur
les tombeaux.
    Au « Bal des victimes » ne sont admis que ceux et
celles qui ont perdu un parent sur l’échafaud.
    On y vient la nuque rasée, dégagée pour le bourreau, un fil
rouge autour du cou, et on salue « à la victime » en imitant le
mouvement d’une tête qui tombe sous le couperet.
    On se rencontre dans les « salons », où se
côtoient des émigrés que la nouvelle législation a autorisés à rentrer en
France, et les nouveaux maîtres du pouvoir que sont les

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