Azteca
sont
experts en art, continua-t-elle avec dédain. Mais, vois-tu, Qualcuie, leur plus
grand maître en sculpture n’est qu’un incapable comparé à des artistes bien
moins renommés dont j’ai vu les œuvres chez moi. Si Pixquitl ne réussit pas
mieux la prochaine fois, j’enverrai chercher un de ces inconnus à Tenochtitlân
pour lui faire honte. Tu vas aller le lui dire. »
Je la soupçonnais fort d’avoir inventé cette excuse pour faire venir,
non des artistes, mais d’anciens amants dont elle avait conservé un agréable
souvenir. Néanmoins, comme elle me l’avait ordonné, j’allai trouver Pixquitl
dans son atelier en sous-sol. Il retentissait du martellement sur la pierre, du
ciseau et du burin de ses élèves et de ses apprentis et du ronflement du four à
poterie. Je fus obligé de hurler pour lui transmettre les plaintes et les
menaces de Poupée de Jade.
« J’ai fait de mon mieux, me dit-il. La jeune reine n’a pas voulu
me donner le nom du dieu qu’elle a choisi pour que je puisse me référer à
d’autres de ses effigies. Voilà tout ce qu’elle m’a donné. »
Il me montra alors le dessin à la craie que j’avais moi-même fait de
Yeyac-Netztlin. Je n’y comprenais plus rien. Pourquoi donc Poupée de Jade
avait-elle commandé la statue d’un dieu – quel qu’il fusse – et ordonné qu’il
soit représenté à l’image d’un simple et mortel messager. Mais, comme je
pensais qu’elle m’intimerait l’ordre de m’occuper de mes affaires, je ne lui
posai aucune question.
Dans ma livraison de dessins suivante, j’avais volontairement inclus,
et pas seulement pour plaisanter, un croquis de l’époux légitime de Poupée de
Jade, l’Orateur Vénéré Nezahualpilli. Elle le repoussa avec un ricanement
dédaigneux et, cette fois, elle jeta son dévolu sur un jeune aide-jardinier du
palais qui s’appelait Xali-Otli et c’est à lui que je donnai la bague avec les
instructions habituelles. Tout comme son prédécesseur, c’était un homme du
peuple, mais il parlait le nahuatl avec l’accent de Texcoco, ce qui me fit
espérer – puisque je n’aurais pas l’occasion, pendant un certain temps, de lui
tenir compagnie – qu’il continuerait à améliorer le langage de Poupée de Jade,
comme le souhaitait Nezahualpilli.
Lorsque j’eus terminé d’enregistrer les marchandises provenant du tribu
des Huaxteca, je remis le grand livre au sous-trésorier en charge qui fit de
grands compliments de mon travail à son supérieur, le Femme-Serpent, et à son
tour, le Seigneur Os Fort fut assez bon pour dire du bien de moi à l’Orateur
Vénéré. Aussi Nezahualpilli me fit-il venir pour me demander si je voulais bien
m’essayer au même genre de travail que vous faites, mes révérends, c’est-à-dire
à la transcription des discours prononcés dans la Chambre où le Uey tlatoani
conférait avec son conseil et dans la Cour de Justice où il donnait audience
aux Acolhua d’un rang inférieur, qui venaient lui soumettre plaintes et
requêtes.
Je me consacrai à cette tâche avec le plus grand enthousiasme. Au
début, j’éprouvais des difficultés et il m’arrivait de me tromper. Malgré tout,
on me félicitait parfois de ce que je faisais. Je dois dire, sans modestie, que
j’étais parvenu à beaucoup de facilité, d’efficacité et de précision dans
l’écriture des signes. Il me fallait maintenant acquérir de la vitesse, sans,
bien sûr, pouvoir jamais espérer devenir aussi rapide que vous, mes révérends.
Au cours de ces réunions du Conseil et des audiences des plaignants, rares
étaient les moments où il n’y avait pas quelque chose à noter et, souvent,
plusieurs personnes parlaient en même temps. Heureusement, comme chez vous, il
y avait toujours au moins deux scribes expérimentés et il y en avait toujours
un pour écrire ce qui avait échappé à l’autre.
J’appris vite à n’inscrire que les symboles des paroles essentielles,
en n’en faisant d’abord qu’une simple ébauche. Ensuite j’avais tout mon temps
pour boucher les trous et remettre le tout au propre en y ajoutant des couleurs
pour rendre mon compte rendu tout à fait compréhensible. Ce système me permit
non seulement d’augmenter ma vitesse, mais il améliora aussi beaucoup ma
mémoire.
Il me parut utile, également, d’inventer un certain nombre de ce que
j’appellerais des symboles-résumés, grâce auxquels je pouvais représenter toute
une suite de mots. Par exemple, à la
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