Azteca
– la
liqueur de miel de Tlaxco, par exemple. Autour de la ville, les massifs arides
bourdonnaient littéralement tout au long de la journée. Tandis que les hommes
grattaient la terre pour y découvrir le métal enfoui, les femmes et les enfants
récoltaient le miel doré. Une partie de ce miel était simplement éclaircie et
vendue comme sucre ; on en faisait sécher aussi une certaine quantité au
soleil, jusqu’à ce qu’elle se cristallise et devienne encore plus sucrée ;
le reste était transformé – par une méthode aussi secrète que celle qui servait
à fabriquer le métal meurtrier – en une boisson appelée châpari, qui est bien
meilleure et bien plus forte que l’aigre octli tant prisé des Mexica.
Le châpari, tout comme le métal, n’était jamais exporté en dehors du
Michoacán, aussi nous profitions de notre passage dans ce pays pour en boire le
plus possible. Nous nous régalions aussi avec le poisson des lacs ou des
rivières, les cuisses de grenouilles, les anguilles, à chaque fois que nous
passions la nuit dans une auberge. En revanche, ce peuple observe des coutumes
très particulières en ce qui concerne la chasse du gibier comestible. Les
Purépecha ne tuent jamais de cerfs parce qu’ils croient qu’ils sont une des
manifestations du Dieu-Soleil ; en effet, à leurs yeux, les bois de cet
animal font penser aux rayons du soleil. Ils n’ont pas non plus le droit
d’abattre des écureuils, parce que leurs prêtres qui sont aussi sales et
hirsutes que les nôtres, s’appellent des tiuimencha, ce qui veut dire écureuil
noir. C’est pourquoi, quand on ne nous servait pas de poisson, on nous donnait
à manger des volatiles sauvages ou domestiques.
Par contre, après dîner, le choix qu’on nous proposait était beaucoup
plus large. J’ai déjà évoqué le comportement sexuel des Purépecha. Selon ses
propres conceptions, un étranger peut le juger indignement débauché ou d’une
très grande tolérance, mais ce qui est certain, c’est qu’il s’adapte à tous les
goûts imaginables. A la fin du repas, le soir à l’auberge, le patron venait
toujours nous demander, à moi et à mes porteurs : « Voulez-vous une
douceur-homme ou femme ? » Je ne m’occupais pas de mes hommes, car je
les payais suffisamment bien pour qu’ils puissent s’offrir une petite
fantaisie. Quant à moi, avec Zyanya qui m’attendait à, la maison, je n’avais
plus envie de goûter à toutes les possibilités que m’offrait ce nouveau pays,
comme je le faisais quand j’étais seul. Je répondais donc invariablement :
« Ni l’un, ni l’autre. » Alors l’aubergiste, sans sourciller et sans
rougir, insistait : « Vous voulez peut-être un fruit vert ? »
Il était vraiment nécessaire pour un étranger en quête de plaisir, de
préciser quel genre de compagnon de lit il souhaitait – femme ou homme adulte,
jeune fille ou jeune garçon – car dans ce pays il n’était pas toujours facile
de définir le sexe d’un individu. En effet, les Purépecha ont aussi une autre
étrange coutume : ils arrachent, rasent ou enlèvent par tout autre moyen,
tous les poils qu’ils ont sur la figure, les sourcils et la moindre trace de
duvet sous les bras ou entre les jambes. Hommes, femmes, enfants, tous ne
conservent que leurs cils. De plus, contrairement à leur impudeur de la nuit,
ils se couvrent pendant la journée de manteaux ou de blouses superposées, si
bien qu’il est fort malaisé de différencier les hommes des femmes.
Nous rejoignîmes la côte à un endroit où il y avait une grande rade
bleue, protégée de l’assaut des vagues furieuses et des tempêtes par deux bras
de terre qui se refermaient sur elle. Le village était appelé Patamkuaro par
ses habitants et Acamepulco par les marchands mexica qui y passaient. Les noms poré
et nahuatl provenaient tous les deux des roseaux et des joncs innombrables qui
poussent à cet endroit. Acamepulco était un port de pêche autonome et également
un marché pour les peuples qui vivaient le long de la côte, à l’est comme à
l’ouest et qui venaient, dans leurs pirogues, y apporter les produits de la mer
et de la terre : poisson, tortue, sel, coton, cacao, vanille et autres
produits typiques de ces Terres Chaudes.
Cette fois, j’avais l’intention d’acheter quatre spacieux canots pour
que nous puissions partir tous les huit, seuls et sans témoins. Cependant,
c’était plus facile à dire qu’à faire. Dans mon pays de
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