Azteca
à l’est, au-delà
de la ligne des cocotiers, se dressait une chaîne de montagnes qui semblaient
prodigieusement hautes, mais couvertes de forêts et bien différentes des
sinistres reliefs volcaniques où je me trouvais peu avant. Je n’avais aucun
moyen de savoir jusqu’où le courant et l’orage m’avaient poussé, mais j’étais
sûr qu’en suivant la côte vers le sud, je finirais par me retrouver un jour
dans cette baie près du Tzeboruko en pays connu. De plus, si je restais sur la
plage, je trouverais facilement de quoi manger et de quoi boire avec les crabes-tambours
et le lait des noix de coco, si rien d’autre ne se présentait.
Mais je ne pouvais plus supporter la vue de ce maudit océan. Les
montagnes m’étaient totalement inconnues et peut-être peuplées de tribus
sauvages et de bêtes féroces, cependant, ce n’étaient que des montagnes, j’en
avais l’expérience et j’avais déjà vécu de leurs ressources. Ce qui m’attirait
le plus, c’était de savoir qu’elles allaient m’offrir une variété de paysages
bien plus grande que la mer. Je restai donc sur la plage juste le temps de me
reposer pendant deux ou trois jours, puis je rassemblai mes affaires et partis
vers l’est en direction des premiers contreforts.
On était au milieu de l’été et c’était une chance pour moi car, même à
cette saison, les nuits étaient froides. Les quelques vêtements et la
couverture que j’avais emportés étaient bien usés et leur séjour dans l’eau
salée ne les avait pas arrangés. Si je m’étais aventuré dans ces montagnes
pendant l’hiver, j’aurais réellement souffert car les indigènes m’ont appris
que la mauvaise saison apportait un froid mordant et de la neige à hauteur
d’homme.
Je finis par rencontrer des gens, mais après plusieurs jours au point
que je commençais à me demander si l’éruption du Tzeboruko ou quelque autre
catastrophe n’avait pas complètement dépeuplé le Monde Unique.
C’était un peuple bien étrange, en vérité, qui s’appelait les
Tarahumara, ce qui signifie Pieds Rapides et à juste titre, comme je vous le
montrerai. Je fis ma première rencontre alors que je me trouvais sur le sommet
d’une falaise, me reposant un peu après une ascension épuisante et admirant un
paysage à couper le souffle. C’était une gorge très profonde où les arbres
poussaient à même la paroi. Tout en bas coulait une rivière alimentée par une
cascade qui jaillissait d’une échancrure de la montagne située de l’autre côté
du canon où je me trouvais. La chute avait facilement une demi-longue course de
hauteur, puissante colonne d’eau en haut et gigantesque panache d’écume blanche
dans le bas. J’étais en train de la contempler lorsque j’entendis crier :
« Kuira-ba ! »
Je sursautai car c’était la première voix humaine que j’entendais
depuis bien longtemps, mais elle semblait bien intentionnée et je pensais qu’il
s’agissait d’un salut. Un jeune homme venait à moi en souriant. Il avait un
beau visage, dans la mesure où l’on peut dire qu’un faucon est beau et il était
bien bâti, quoiqu’un peu plus petit que moi. Il était correctement vêtu, mais
pieds nus, comme moi du reste, car mes sandales étaient parties en lambeaux
depuis bien longtemps. Sur son pagne en peau de daim, il portait un manteau aux
vives couleurs, en daim également, dont la coupe était nouvelle pour moi, car
il avait des manches jusqu’aux poignets, pour tenir plus chaud.
Je lui rendis son salut en répétant : « Kuira-ba ».
Il me montra la cascade en souriant aussi fièrement que s’il en avait été le
propriétaire et déclara : « Basa séachic », ce qui de toute
évidence voulait dire Chute d’Eau. Je répétai ce mot en insistant dessus pour
lui montrer que je la trouvais très belle et très impressionnante. Le jeune
homme se désigna lui-même en disant : « Tes-disora », ce qui
devait être son nom et qui signifie, je devais l’apprendre par la suite, Plant
de Maïs. Je pointai un doigt sur moi et dit : « Mixtli », tout
en lui indiquant un nuage dans le ciel. Il hocha la tête, posa la main sur sa
poitrine et répondit : « Tarahu-mara », puis la tendit dans ma
direction en disant : « Chichimeca ».
Je secouai violemment le chef et rectifiai,
« Mexi-catl ! » en me frappant la poitrine à plusieurs reprises.
Sur quoi, il me considéra avec indulgence, comme si j’avais évoqué une
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