Azteca
quatre ans et auquel j’avais ajouté
une pierre à chacun de ses anniversaires. Ses cheveux, habituellement sagement
nattés, étaient défaits et se répandaient sur ses épaules. Ses petits seins
étaient toujours fermes et ses fesses bien galbées, mais, entre ses cuisses, à
l’endroit de son virginal tipili, il y avait une fente dans la peau, par où
sortait un tepuli flasque. Les bâtons blancs qu’elle agitait, c’étaient ses
propres fémurs, mais les mains qui les tenaient étaient des mains d’homme,
tandis que les siennes, à moitié coupées, pendaient mollement à ses poignets.
Au moment où je pénétrai dans le cercle des danseurs, tout le monde m’acclama.
L’effigie de Nochipa s’approcha de moi en se trémoussant et en levant l’os
luisant comme pour me donner une bénédiction avant que je la serre dans une
étreinte paternelle. Cette chose obscène vint près de moi et je vis ses yeux
qui n’étaient pas ceux de Nochipa. Alors, les pieds cessèrent de s’agiter,
stoppés dans leur trépignement par mon regard de haine et de dégoût. Au même
instant, la foule joyeuse s’arrêta de rire et de danser et les gens, mal à
l’aise, se rendirent compte qu’ils étaient encerclés par les soldats.
J’attendis que le silence se fut complètement établi ; on n’entendait plus
que le crépitement du feu. Alors, sans m’adresser à personne en particulier, je
dis :
« Saisissez-vous de cette infâme créature, mais faites doucement,
car c’est tout ce qu’il reste de ma fille. »
Le prêtre recouvert de la peau de Nochipa était figé de stupeur ;
deux soldats s’emparèrent de lui. Les autres prêtres s’avancèrent alors en se
frayant un chemin parmi la foule, en protestant avec véhémence contre cette
interruption de la cérémonie. Je les ignorai et dis aux hommes qui tenaient le
prêtre-dieu :
« Son visage a été séparé de son corps. Enlevez-le avec le plus
grand soin. Apportez-le respectueusement près d’un feu et après avoir adressé
une prière à celle qui lui a donné la beauté, brûlez-le. Rapportez-moi les
opales qu’elle avait autour du cou. »
Je détournai le regard pendant qu’ils exécutaient mes ordres. Les
prêtres suffoquaient d’indignation, mais Qualânqui les rudoya si furieusement
qu’ils se firent aussi tranquilles et aussi soumis que le reste de
l’assistance.
« C’est fait, chevalier Mixtli », me dit l’un de mes hommes
en me tendant le collier. Quelques pierres étaient rougies par le sang de
Nochipa. Je me tournai vers le prêtre captif. Il n’avait plus les cheveux et
les traits de ma fille et son visage était déformé par la terreur.
« Couchez-le sur le dos, là. Faites bien attention de ne pas
abîmer la chair de ma fille. Clouez-lui les mains et les pieds au sol. »
Comme tous les prêtres que j’avais emmenés, il était très jeune. Il
cria comme un petit garçon quand on lui enfonça le premier pieu dans la main
gauche. Il hurla quatre fois en tout. Les autres prêtres et les colons
commençaient à s’agiter et à murmurer, inquiets, à juste titre, de leur propre
sort. Mais les soldats étaient armés et personne n’osa donner le signal de la
fuite. Je regardai la grotesque silhouette allongée par terre, écartelée entre
les quatre pieux qui la fixaient au sol. Les jeunes seins de Nochipa pointaient
fièrement vers le ciel, mais les parties mâles qui sortaient des jambes
écartées pendaient lamentablement.
« Préparez de l’eau de chaux très concentrée et répandez-la sur la
peau. Vous continuerez à en verser pendant toute la nuit pour qu’elle soit
complètement imprégnée. Ensuite, nous attendrons que le soleil se lève. »
Qualânqui me lança un coup d’œil approbateur. « Et les
autres ? Nous attendons vos ordres, chevalier Mixtli. »
Sous le coup de la peur, l’un des prêtres vint se jeter entre nous et,
s’agenouillant devant moi en attrapant le bord de mon manteau avec ses mains
ensanglantées, me dit :
« Chevalier commandant, c’est avec votre permission que nous avons
fait cette cérémonie. Tout le monde ici se serait réjoui qu’on choisisse son
fils ou sa fille, mais c’est la vôtre qui répondait le mieux à toutes les
exigences. Une fois désignée par la population et acceptée par les prêtres,
vous n’auriez pas pu refuser de la livrer. ».
Il baissa les yeux sous mon regard et balbutia : « A
Tenochtitlán, en tout cas, vous n’auriez pas pu
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