Azteca
d’une
route terrestre passant par la Terre Sainte pour gagner les Indes Orientales,
alors qu’il aurait pu rencontrer certaines difficultés pour traverser l’océan
quinze siècles avant l’apparition de la marine moderne. Mais toute mise en
doute des pouvoirs de l’un des douze Apôtres serait aussi mal venue que le
doute jadis ressenti par saint Thomas lui-même et que lui reprocha le Christ en
personne.
Sexto et mirabile dictu : un simple soldat espagnol nommé Diaz,
qui occupe ses moments de loisir à explorer les anciennes ruines de la région,
vient de visiter la ville de Tolan, ou Tula. Les Aztèques considèrent cette
cité comme la capitale légendaire des Toltèques dont le chef fut ce roi qui
devint un dieu, Quetzalcoatl. Dans les racines d’un arbre poussant dans une
fente d’un vieux mur de pierre, Diaz a découvert une boîte très ancienne en
onyx sculpté, dans laquelle il a trouvé de fines gaufrettes blanches, sans
aucun rapport avec un produit fabriqué par les Indiens. Diaz les a aussitôt
reconnues et quand il nous les a apportées, nous avons confirmé qu’il
s’agissait bien de Saintes Hosties.
Comment ces gaufrettes sacrées se sont-elles trouvées là, depuis
combien de siècles et comment se fait-il qu’elles ne se soient pas complètement
desséchées et décomposées ? Nul ne peut le dire. Votre Savante Majesté
aurait-elle une réponse à nous fournir ? Ces hosties pourraient-elles être
un témoignage laissé par saint Thomas ?
Nous allons envoyer dès aujourd’hui un rapport de toutes ces données à
la Congregatio de Propaganda Fidei, en donnant la part qu’il convient à la
contribution éclairée de Votre Majesté et nous attendrons avec impatience la
réponse des théologiens romains dont les connaissances sont bien supérieures aux
nôtres.
Que le Seigneur Notre Dieu continue à protéger et à favoriser les
entreprises de Votre Impériale Majesté à qui tous ses sujets vouent une
admiration sans bornes, tel est le vœu de V.M. le dévoué chapelain et
serviteur,
( ecce signum ) Zumarraga
DECIMA PARS
Je n’ai conservé qu’un vague souvenir des événements qui suivirent la
destruction de Yanquitlan. Nous avions repris la route du nord en direction de
Tenochtitlán et je suppose que le voyage s’est déroulé sans incident, car
seulement deux brèves conversations me sont restées en mémoire.
La première, avec Béu : elle n’avait pas cessé pratiquement de
pleurer depuis que je lui avais appris la mort de Nochipa. Mais, un jour, elle
s’était brusquement arrêtée à la fois de pleurer et de marcher et, regardant
autour d’elle comme quelqu’un qui vient de se réveiller, elle m’avait
dit :
« Je croyais que tu me ramenais à la maison. Mais, c’est vers le
nord que nous marchons.
— Bien sûr, lui avais-je répondu.
— Et pourquoi pas vers le sud, vers Tehuantepec ?
— Nous n’avons pas de maison là-bas, pas de famille et sans doute
pas d’amis. Cela fait… voyons… huit ans que tu en es partie.
— Et qu’est-ce que j’ai à Tenochtitlán ? » J’aurais pu
lui faire remarquer qu’elle y avait au moins un toit pour dormir, mais je
savais de quoi elle voulait parler, aussi, je m’étais contenté de lui
répondre :
« Tu y retrouveras la même chose que moi, Béu. Des souvenirs.
— De bien tristes souvenirs, Zaa.
— Je le sais bien, fis-je, sans gentillesse. C’est pareil pour
moi. Ils nous suivront partout, de toute manière à Tenochtitlán, tu pourras du
moins pleurer et te lamenter confortablement. Mais personne ne t’oblige à me
suivre. Tu fais ce que tu veux. »
Je me remis alors en marche sans regarder derrière moi, aussi je ne
sais pas combien de temps il lui fallut pour se décider ; mais lorsque je
suis sorti de ma rêverie, elle était à nouveau à mes côtés.
C’est avec Qualânqui que j’eus la seconde conversation. Depuis le
départ, mes hommes avaient respecté ma tristesse et ma solitude, mais, un jour,
Qualânqui s’était approché de moi en me disant :
« Excusez-moi de faire intrusion dans votre chagrin, Mixtli, mais
nous allons bientôt arriver à Tenochtitlán et il faut penser à certaines
choses. Nous avons inventé une petite histoire, tous les quatre et nous avons
donné des instructions aux Tecpanecá pour qu’ils disent comme nous.
Voilà : alors que nous étions partis – vous, nous et les soldats – pour
rendre visite à la cour de Teohuacan, la
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