Azteca
colonie a été attaquée par des
brigands qui l’ont pillée et qui ont massacré tout le monde. A notre retour,
nous nous sommes lancés à la poursuite des malfaiteurs, mais sans aucun
résultat. Nous n’avons même pas trouvé une seule flèche dont les plumes
auraient pu nous renseigner sur l’origine des pillards. Cette incertitude sur
l’identité des criminels empêchera ainsi Motecuzoma de déclarer une guerre
immédiate à ces malheureux Teohuacana.
— Très bien, opinai-je. Je dirai la même chose. C’est une très
bonne idée, Qualânqui.
— L’ennui, poursuivit Qualânqui en toussotant, c’est que vous ne
pouvez pas aller raconter ça vous-même à Motecuzoma. Même s’il vous croit, il
vous rendra responsable de l’échec de cette expédition et, soit il vous passera
une guirlande de fleurs autour du cou soit, s’il est dans de bonnes dispositions,
il vous donnera une seconde chance, c’est-à-dire qu’il vous renverra dans ce
lieu maudit avec un autre contingent de colons.
— Je n’y retournerai jamais.
— Je le sais bien. Et, en outre, la vérité finira toujours par
transpirer. Il se trouvera bien un soldat Tecpanecá pour aller se vanter de la
part qu’il a prise au massacre, pour dire qu’il a violé six enfants et un
prêtre, par exemple. Motecuzoma l’apprendra et il vous fera mettre à mort. Je
pense que vous devriez nous laisser le soin de lui raconter notre histoire.
Nous ne sommes que des mercenaires. Motecuzoma ne s’intéresse pas à nous et
nous courons donc moins de danger. Je crois aussi que vous feriez mieux de ne
pas rentrer à Tenochtitlán pour le moment, puisque deux éventualités vous y attendent :
la mort ou le renvoi à Yanquitlan.
— Vous avez raison. Je n’ai pensé qu’aux jours sombres qui sont
derrière moi, sans envisager ceux qui sont devant. Un vieux proverbe dit que
nous sommes nés pour souffrir. Qualânqui, je vous remercie de vos conseils et
de votre amitié. Je vais réfléchir à tout ça. »
A notre arrivée à Cuauhnáhuac, nous prîmes des chambres dans une
auberge où je me fis servir à dîner avec Béu et mes quatre compagnons. A la fin
du repas, je pris une bourse de poudre d’or dans ma ceinture et je la posai sur
la table.
« Voici pour vos services, mes amis.
— C’est beaucoup trop, me dit Qualânqui.
— Je ne pourrai jamais assez vous payer de ce que vous avez fait
pour moi. J’ai une autre bourse avec du cuivre et des grains de cacao qui sera
bien suffisante pour ce que je vais faire maintenant.
— Faire maintenant ? fit écho l’un des vétérans.
— Ce soir, je vous remets mon commandement. Voici mes dernières
instructions : Demain, vous prendrez la rive occidentale des lacs pour
ramener les troupes à Tlacopan. Ensuite vous gagnerez Tenochtitlán et vous
escorterez Dame Béu chez elle, avant de vous rendre au palais de l’Orateur
Vénéré à qui vous raconterez votre astucieuse version des faits, en ajoutant
que je me suis puni moi-même de mon échec. Dites-lui que je me suis
volontairement exilé.
— Nous exécuterons vos ordres, Commandant Mixtli, me dit Qualânqui
et les trois autres approuvèrent silencieusement.
— Où vas-tu aller, Zaa ? me demanda Béu.
— A la recherche d’une légende. » Je leur racontai alors
l’histoire de Nezahualpilli et je conclus par ces mots : « Je vais
refaire la longue marche que nos ancêtres ont accomplie du temps où ils
s’appelaient les Azteca. Je vais partir vers le nord en suivant leur route le
plus fidèlement possible, jusqu’à leur terre natale d’Aztlan, si elle existe
encore et si elle a jamais existé. Si ces errants ont vraiment enterré des
armes et des provisions sur leur chemin, je les trouverai et je dresserai une
carte de leurs emplacements qui sera d’un grand intérêt stratégique pour
Motecuzoma. Insistez beaucoup là-dessus, Qualânqui. » J’ajoutai en
souriant tristement : « Peut-être m’accueillera-t-il alors avec des
fleurs plutôt qu’avec la guirlande, quand je reviendrai.
— Si tu reviens, répliqua Béu.
— Je crois que mon tonalli m’oblige toujours à revenir, mais un
peu plus seul à chaque fois. Un jour, si je rencontre un dieu, je lui
dirai : « Pourquoi les dieux ne s’en prennent-ils pas à moi qui ai
tant fait pour mériter leur colère, au lieu de frapper toujours les innocents
qui m’entourent ? « »
Les vieux soldats paraissaient un peu gênés de cette sortie et
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