Azteca
transporter l’or sur la terre ferme pour que mes
fondeurs s’en occupent. »
Il tourna ensuite grossièrement le dos à Cuitlahuac et dit en espagnol
à Alvarado :
« Pedro, faites venir des charpentiers. Voyons… ils pourraient
démonter ces lourdes portes et toutes les autres portes du palais. Dites-leur
de construire une paire de solides traîneaux pour emmener l’or et dites aussi
aux bourreliers de fabriquer des harnais pour les chevaux qui les tireront. En
attendant, Seigneur Orateur, fit-il en s’adressant à nouveau à Cuitlahuac, je
vous demanderai la permission de rester ici encore un petit moment. Comme vous
le savez, beaucoup de ceux qui sont avec moi ne connaissent pas votre grande
ville et ils seraient heureux de pouvoir la visiter.
— Un petit moment, je veux bien, répondit Cuitlahuac en hochant la
tête. Je vais avertir la population et lui demander d’être tolérante et même
aimable si elle le peut. Et maintenant, nous devons vous quitter pour organiser
les préparatifs de l’enterrement de mon frère et mon accession au trône. Plus
tôt ces formalités seront accomplies, plus tôt je serai véritablement votre
hôte. »
Quand nous eûmes quitté le palais, des soldats-charpentiers vinrent
examiner le trésor entassé dans la salle à manger pour évaluer son poids et sa
masse.
Nous nous arrêtâmes un moment sur la place. Les Espagnols vaquaient à
leurs occupations mais ils paraissaient fort incommodés par la pluie qui les
transperçait de part en part. Des Mexica passaient au milieu d’eux, affairés ou
faisant semblant de l’être et comme ils n’avaient gardé que leur pagne, la
pluie ne les gênait pas. Jusqu’ici, le plan de Cuitlahuac s’était déroulé comme
prévu, mis à part le trépas inopiné de Motecuzoma.
En effet, tout ce que je viens de vous raconter, mes révérends, avait
été organisé dans ses moindres détails par Cuitlahuac, bien avant que nous
soyons allés voir Cortés. C’est sur son ordre que la foule s’était rassemblée
en criant devant le palais. C’est sur son ordre qu’elle s’était dispersée pour
aller chercher des vivres pour les Blancs. Mais, dans la confusion générale,
ceux-ci n’avaient pas remarqué que seules les femmes avaient quitté la place.
Quand elles revinrent, elles ne pénétrèrent pas dans le camp et passèrent les
paniers et les jarres aux hommes restés sur place. Il n’y avait donc plus une
seule femme dans la zone dangereuse, en dehors de Malintzin et de ses servantes
texcalteca pour lesquelles nous ne nous faisions guère de souci. Nos hommes
continuèrent à aller et à venir, à entrer et à sortir du palais, distribuant de
la viande et du maïs, apportant du bois sec aux soldats préparant les repas
dans les cuisines du palais et accomplissant toutes sortes de besognes qui les
retiendraient là jusqu’à ce que les conques du temple sonnent minuit.
« Nous frapperons à minuit, nous avait rappelé Cuitlahuac. A ce
moment précis, Cortés et les siens ne feront plus attention au va-et-vient
constant de nos hommes apparemment soumis, quasiment nus et manifestement
désarmés. Laissons Cortés entendre la musique et sentir l’encens de ce qu’il
prendra pour les préliminaires de mon intronisation. Rassemblez tous les
prêtres. Ils savent qu’ils doivent suivre nos instructions mais il faudra
peut-être les forcer un peu car, comme les Blancs, ils rechignent devant la
pluie. Massez-les devant la pyramide de Tlatelolco et dites-leur d’allumer le
plus grand feu qu’ils aient jamais fait. Amenez aussi les femmes et les enfants
et tous les hommes qui sont dispensés de se battre. Ils formeront une foule
crédible de participants et ils seront en sécurité.
— Seigneur Régent… je voulais dire Seigneur Orateur, dit l’un des
Anciens du Conseil, si les étrangers doivent tous périr cette nuit, pourquoi
avez-vous pressé Cortés de vous donner la date de son départ ? »
Au regard que lui lança Cuitlahuac, je compris que cet homme ne serait
plus très longtemps membre du Conseil.
« Parce que Cortés est moins sot que vous. Il sait bien que je
souhaite me débarrasser de sa présence. Si je n’avais pas été aussi insistant,
il aurait eu des raisons de se douter d’un coup de force. Maintenant, je peux
espérer que mon attitude l’a rassuré, au moins jusqu’à minuit. »
Cuitlahuac avait vu juste. Cependant alors que Cortés ne manifestait
aucune inquiétude au sujet de sa
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